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Partie IV. Evolution et coordination des comportements économiques
«He [every individual] generally, indeed, neither intends to promote the public interest, nor knows how much he is promoting it. By preferring the support of domestic to that of foreign industry, he intends only his own security; and by directing that industry in such a manner as its produce may be of the greatest value, he intends only his own gain, and he is in this, as in many other cases, led by an invisible hand to promote an end which was no part of his intention.» Adam Smith, An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations, Book IV, Chap. 2. [X] [X] https://en.wikisource.org/wiki/The_Wealth_of_Nations
La nature algorithmique de l’évolution ne conduit pas nécessairement au désordre. En fait, l’évolution est probablement le meilleur outil dont dispose la Nature pour lutter contre l’accroissement de l’entropie (la seconde loi de la thermodynamique). En effet, les penseurs sont fascinés depuis longtemps par l’ordre souvent très beau que cette algorithmique fait émerger. L’ordre particulier des insectes sociaux et la coordination merveilleuse de leurs actions aussi a fasciné les penseurs en économie et dans les sciences sociales. La tentation d’imaginer l’émergence naturelle d’un ordre économique et de la coordination spontanée des activités économiques, même conduites par des individus qui n’ont que des objectifs «égoïstes», n’a pas été sans conséquence sur la focalisation extrême de cette discipline sur les états d’équilibre du système économique.
Mais sommes-nous réellement assurés de cette coordination, de l’efficacité de la «Main invisible»? La coordination émerge-t-elle naturellement de l’interaction des comportements adaptatifs des agents économiques? Les comportements des agents étant orientés par leurs anticipations, qu’en est-il de la coordination de ces anticipations elles-mêmes? Peut-elle émerger naturellement et guider nécessairement les agents vers les états d’équilibre du système, comme elle guide les fourmis dans la construction de ces cathédrales, majestueuses à leur échelle, que sont leur fourmilière ?
La coordination des actions et des anticipations des agents et la convergence de l’économie vers un état d’équilibre sont des questions importantes en économie. Les travaux menés depuis Walras et à partir du cadre proposé par Kenneth Arrow et Gérard Debreu ont clairement montré que l’unicité et la stabilité, même locale, de l’équilibre d’une économie ne sont assurées, même sous des conditions relativement restrictives quant à la rationalité et à la structuration des comportements des agents et leur interactions sur des marchés anonymes. Qu’en est-il avec des comportements plus réalistes, avec une dimension adaptative?
Il est intéressant de se rappeler que John Nash lui-même se pose cette question dans un paragraphe de sa thèse de doctorat, dans la partie discussions de son théorème sur l’équilibre des jeux non-coopératifs. Il nous a paru assez naturel alors de commencer notre exploration sur la question de la coordination par l’approche des jeux qui s’est développée, initialement en biologie, à partir de cette remarque de Nash.