La vision de la dynamique économique que nous explorons dans cette partie implique nécessairement de nouvelles approches des comportements économiques (comme nous l’avons discuté dans le chapitre précédent) et de leurs articulations. L’apprentissage des agents va alors de paire avec à la fois une introduction continue de la nouveauté, donc de la
diversité, dans le système (grâce aux innovations des agents), et un
processus de sélection. Le contexte économique spécifique de chaque problème définit les
critères de succès économiques et favorise ainsi certaines de ces nouveautés au détriment des autres (dans un contexte industriel, un profit positif peut constituer un tel critère). Le résultat de ce processus dynamique n’a pas de
solution prévisible
a priori car le flux de nouveautés et le succès éventuel de chacune d’elles dépend de l’histoire même du processus (
dépendance au sentier). Par conséquent, la dynamique économique nous apparait nécessairement comme un processus non-téléologique où la coordination des activités des agents n’est pas automatiquement assurée, ni la convergence de ces activités vers une configuration socialement optimale. Une telle coordination ne peut apparaître que comme une propriété émergente de la dynamique économique : les choix de technologies passées des firmes dans une industrie conditionnent l’émergence et la nature d’une technologie dominante, en même temps que la cristallisation de cette technologie guide ces même choix technologiques. Les firmes innovantes dans une industrie forment un SCA dont la dynamique peut s’avérer très riche, même si on suppose des comportements très simples pour chacune des firmes : cette richesse résulte en effet de l’interaction d’un mécanisme générateur de diversité et d’un mécanisme de sélection par le marché, comme nous allons l’illustrer en utilisant le modèle très simple de dynamique industrielle de
[Nelson, 1982] sur lequel va aussi porter la première application de ce chapitre.
Ce chapitre va se focaliser principalement sur la dynamique industrielle car ce domaine est celui qui a été le plus exploré dans la littérature sur les dynamiques méso-économiques. Mais les MMA facilitent aussi la modélisation et l’analyse d’autres dynamiques méso, comme la dynamique des marchés de différentes natures (voir, par exemple,
[Kirman, 2000] sur le marché aux poissons de Marseille). Les marchés financiers ont notamment fait l’objet d’un effort assez particulier car ils ont l’avantage d’être assez clairement structurés et de bénéficier d’une attention empirique et théorique particulières sur les comportements des agents sur ces marchés.