Les mécanismes de l’évolution que nous avons discutés dans les chapitres précédents peuvent sembler très spécifiques à l’évolution biologique. Dans leur détails minutieux, ils le sont sûrement. Pourtant, à un niveau plus abstrait, ce que Darwin a mis en lumière possède une portée qui dépasse le cas particulier de l’évolution des espèces et possède une force explicative pour les dynamiques économiques aussi, comme cela a été remarqué depuis longtemps par des penseurs en économie, comme nous l’avons déjà évoqué dans l’introduction de cet ouvrage. Sans procéder à une histoire de la pensée économique inspirée par l’évolution, nous pouvons rappeler ici les principaux : Malthus, Marshall, Veblen, Schumpeter, et plus récemment, Alchian, Arthur, David, Nelson, Winter, Dosi et beaucoup d’autres (voir
[Hodgson, 1994] pour une discussion détaillée de la généalogie des idées évolutionnistes en économie).
Après avoir discuté le statut épistémologique de l’analogie qui puisse exister entre les mécanismes d’évolution mis en lumière par Darwin et les dynamiques économiques (notamment la question/tentation de la «réduction» des secondes aux premiers), nous allons considérer un premier exemple qui démontre la capacité explicative générale de ces mécanismes au delà de la biologie : le cadre d’analyse du développement technologique que propose l’historien de la technologique Joel Mokyr. Cette discussion va souligner le rôle fondamental de l’histoire dans ces dynamiques que nous aurons à explorer de manière plus spécifique. En dernier lieu, nous allons souligner l’importance de bien focaliser l’analyse des problèmes économiques au niveau particulier du système auquel ils appartiennent principalement, sans négliger pour autant l’influence potentielle des autres niveaux.