L’approche standard que nous avons présentée dans le chapitre précédent crée plusieurs difficultés que nous allons discuter dans ce chapitre, et essayer de proposer des solutions potentielles pour les dépasser. Ces difficultés concernent en premier lieu la nature et l’articulation des trois piliers que nous venons de discuter. Ensuite certaines autres simplifications nécessaires pour rendre opérationnels ces piliers s’ajoutent à ces soucis.
En premier lieu, comme l’ont remarqué assez tôt beaucoup d’auteurs, dont bien sûr Herbert Simon
[Simon, 1959], la rationalité substantielle ne s’observe pas vraiment dans les expériences économiques ou dans les travaux empiriques. De plus, la résolution des modèles nécessite souvent une hypothèse d’homogénéité des agents (ou d’agent représentatif). Or, l’hétérogénéité est une source fondamentale de la dynamique économique comme nous allons le voir plus tard dans cet ouvrage. De même, il est difficile d’analyser le comportement de l’économie et des agents en dehors de l’équilibre avec cette approche, or l’équilibre est rarement unique ou globalement stable dans les modèles, même quand il existe, et donc l’économie peut se trouver facilement loin de cet état. Beaucoup d’interactions économiques ne se font pas seulement sur des marchés impersonnels et il faudrait aussi tenir compte d’elles pour comprendre les phénomènes économiques. Et pour finir, les problèmes de coordinations ne doivent être écartés (comme le fait d’office l’agrégation à l’équilibre) car ils sont souvent au coeur des questions les plus passionnantes en économie et dans d’autres aspects de la vie sociale
[Schelling, 2006].
Commençons donc notre discussion par la question de la rationalité substantielle de l’approche standard.