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Quand on s’intéresse de près aux processus de décision des individus et des organisations, comme l’a fait Simon, on remarque assez rapidement qu’il est difficile de représenter leur rationalité par une optimisation sous contraintes. Simon observe qu’il est difficile de déterminer une mécanique simple et homogène pour caractériser les prises de décision et que les agents bricolent souvent des solutions aux problèmes qu’ils rencontrent. [G] [G] Sur la pertinence empirique et théorique du concept de rationalité limitée voir aussi [Conlisk, 1996].
En suivant une démarche inductive et en partant de ses observations et des résultats des expériences, Simon propose un cadre cognitif alternatif pour cela [Simon, 1955, Simon, 1982] où la rationalité s’exprime dans la construction par les agents des solutions à des problèmes qu’ils rencontrent (la rationalité procédurale) et non dans la résolution directe de ces problèmes (la rationalité substantielle).
La rationalité procédurale correspond alors à l’utilisation de règles de décision relativement simples que [Nelson, 1982] vont appeler plus tard les routines. Les routines sont des modes d’action récurrents qui dépendent du contexte organisationnel et qui sont assez stables face aux variations marginales de l’environnement de l’agent. Elles possèdent à la fois une dimension répétée (comme dans «routinier») et une dimension automatique sous la forme d’une articulation directe de type
comme par exemple [Si pluie Prendre le parapluie]. La mise en place de telles routines qui sont des procédures heuristiques implique une certaine stabilité des comportements, de manière à évaluer leur capacité à résoudre les problèmes répétitifs.
Quand l’agent n’arrive plus à faire face avec les routines existantes aux problèmes qu’il rencontre, il sent le besoin d’en chercher de nouvelles en suivant de fait le principe de satisficingde Simon. Ce qui conduit normalement à l’invention de nouvelles routines et correspond à la mise en oeuvre d’un processus d’apprentissage de la part des agents.
L’une des caractéristiques importantes de ce processus est sa capacité à générer et entretenir la diversité : face à un problème identique, deux agents avec leur histoire quelque peu différentes (ayant eu à résoudre des problèmes différents par le passé) vont en général développer deux solutions différentes, conduisant à des comportements différents sur le marché et à une hétérogénéité des agents. Le processus d’apprentissage va donc générer de la diversité en continu et la concurrence entre les agents pour l’accès aux différentes ressources, va orienter ce processus d’apprentissage par la pression sélective qu’elle impose sur les différentes routines inventées par ces agents.
Cette dynamique va bien ressembler au fonctionnement du Pays de la Reine Rouge [H] [H] De l’autre coté du miroir par Lewis Carrol. : un environnement dynamique où existe pour les agents la nécessité de s’adapter en permanence face à la pression sélective. Cela correspond ainsi à une vision de l’économie comme un Système Complexe Adaptatif (SCA) où la résolution d’un problème par un agent implique potentiellement de nouveaux problèmes pour les autres qui, à leur tour, ont besoin d’inventer de nouvelles solutions et donc de nouveaux problèmes pour les autres.
Ce processus d’apprentissage met en général en oeuvre deux mécanismes :
La possibilité d’explorer de nouvelles règles de comportement (l’innovation, source de diversité);
La découverte de l’efficacité (la valeur relative) des différentes solutions dans l’environnement spécifique de l’agent (leur exploitation conduisant à la sélection des routines à utiliser).
Ces deux mécanismes peuvent avoir lieu à de différents niveaux, dans des ensembles de solutions de natures différentes et une gamme assez large de possibilités a été considérée dans la littérature, dans une démarche inductive[Holland, 1989] :
Apprentissage social a lieu au niveau d’un collectif d’agent et correspond à des processus d’exploration et d’exploitation collectifs : expériences aléatoires avec des variantes autour des routines déjà connues par des agents individuels et l’imitation des routines qui marchent par les autres agents [21, 22]
Apprentissage peut aussi avoir lieu au niveau des agents individuels et résulte de leur expérience personnelles. L’agent utilise alors les performances obtenues par le passé avec chaque routine qu’il connaît et adopte les routines qui ont mieux marché par le passé et il invente de nouvelles routines comme des variantes autour des routines qu’il connaît déjà [23, 24, 25]
Plutôt que se baser uniquement sur des performances passées, l’agent peut aussi chercher à anticiper la performance qui risque de résulter de chaque routine disponible. Le processus d’apprentissage est alors guidé par des anticipations, comme on peut les représenter par des systèmes classificateurs [Holland, 1989, 27, 28] ou des réseaux de neurones artificiels [29, 30].
Donc nous disposons d’approches alternatives pour dépasser l’irréalisme cognitif de l’approche standard.
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