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1.3 Équilibre Walrasien avec production

Nous introduisons maintenant la production des firmes dans l'économie de manière à étendre l'équilibre walrasien d'une économie d'échange à l'équilibre général d'une économie avec production.

Avant de considérer le concept d'équilibre, nous devons reprendre la représentation de la technologie des firmes.

1.3.1 Description de la technologie de production des firmes

Dans la théorie microéconomique néo-classique, la firme est une entité (un agent individuel) comme le consommateur (qui représente le ménage).

La théorie de la firme qui en découle est par conséquent rudimentaire et elle correspond à une transposition assez artificielle de la théorie du consommateur dans l'activité de production de biens.

Dans cet esprit, la firme a un objectif (le profit) qu'elle maximise sous une contrainte (l'ensemble des possibilité de production).

Les firmes ont des possibilités de production qui correspondent à leur capacités de transformer des biens (les inputs) en d'autres biens (les outputs).

En fonction de sa technologie et de son organisation, chaque firme est représentée comme une boîte-noire dans la quelle entrent des inputs (achetés sur les différents marchés correspondants) et de la quelle sorte des outputs (vendus sur les marchés correspondants).

Par conséquent, pour chaque firme, un sous-ensemble des $ K$ biens de l'économie sera utilisé comme panier d'inputs et un autre sous-ensemble correspondra à ses outputs.

La relation entre ces quantités d'inputs utilisés et les quantités d'output produits peut être résumé par un vecteur d'outputs nets (ou de netputs) qui donne, pour chaque bien: la quantité produite par la firme - la quantité utilisée par la firme.

Supposons par exemple qu'il y ait cinq biens dans l'économie: le travail, le fil d'acier, des aiguilles, des épingles à nourrice et le blé.

Un plan de production de la firme peut alors correspondre au vecteur $ \left(
-50,-100,300,200,0\right) .$

Un autre plan réalisable peut correspondre à $ \left(
-1,-10,25,5,0\right) .$

Si la firme produit elle-même le fil d'acier à partir de l'acier brut (deuxième bien, le fil devenant le troisième) alors

Nous avons donc un système de notation très flexible qui permet de couvrir les différent cas possibles.

L'ensemble de possibilités de production $ \left( Z\subset
\mathbb{R}_{+}^{K}\right) $ de la firme contient alors tous les vecteurs de bien qui correspondent à des plans de production réalisables par la firme en fonction de sa technologie: le vecteur $ \left(
0,0,0,200,300,0\right) $ relèverait plutôt de l'alchimie que de la l'industrie.

Si $ K=2,$ avec un input et un output, on peut représenter graphiquement $ Z$:

\fbox{\includegraphics[scale=1]{ensprod.eps}}

1.3.1.1 Les propriétés potentielles de l'ensemble des possibilités de production

1) La convexité. Si $ z$ et $ z^{\prime}$ sont réalisables par la firme alors tout plan de production $ z^{\prime\prime}=\alpha z+\left(
1-\alpha\right) z^{\prime}$ avec $ \alpha\in\lbrack0,1]$ est aussi réalisable $ \left( z^{\prime\prime}\in Z\right) $.

Problème 5   Quelles est l'implication de cette propriété sur la frontière supérieure de $ Z$? En particulier, est-ce que l'exemple de la figure précédente vérifie cette propriété?

2) Disposition libre. Si $ z\in Z$ et $ z^{\prime}\leq z$ alors $ z^{\prime}\in Z$ (Ce qui peut le plus, peut le moins).

3) Possibilité de fermeture. $ 0\in Z.$

Problème 6   Est-ce que cela est toujours raisonnable?

4) Économies d'échelle non-croissantes. Si $ z\in Z$ et si $ 0\leq\alpha\leq1$ alors $ \alpha z\in Z$. Cette propriété découle des propriétés $ \left( 1\right) $ et $ \left( 2\right) $.

5) Économies d'échelle non-décroissantes. Si $ z\in Z$ et si $ \alpha\geq1$ alors $ \alpha z\in Z$.

6) Économies d'échelle constantes. Si $ z\in Z$ et si $ \alpha\geq0$ alors $ \alpha z\in Z$. Elle correspond à la conjonction de $ \left( 5\right) $ et $ \left( 6\right) $.

Problème 7   Représentez graphiquement chacun de ces trois cas avec un input et un output.

1.3.2 Le profit d'une firme concurrentielle

Supposons une firme concurrentielle dont l'ensemble des possibilités de production est $ Z$.

Si les prix (qui ne dépendent pas des quantités) sont $ p$, alors le problème de la firme est de choisir un $ z$ tel que

$\displaystyle \max p\bullet z\quad S.l.c.\quad z\in Z$ ($ PF$)

Quand ce problème possède une solution pour un vecteur de prix $ p$, nous écrivons cette solution comme $ \pi\left( p\right) $ et elle correspond à la fonction de profit de la firme.

Est-ce que le problème $ (PF)$ possède toujours une solution quelque soit le vecteur de prix ou même pour tous les vecteurs de prix strictement positifs?

Le réponse est bien sûr négative (par exemple si les économies d'échelle sont constantes).

Si l'on s'intéresse à la solution de ce problème, nous pouvons appeler la correspondance d'offre-nette de la firme l'ensemble des vecteurs qui maximisent le profit $ z(p)=\left\{ z\in Z:p\bullet z=\pi\left(
p\right) \right\} $

Avec un input $ x$ et un output $ y,$ cela peut être représenté graphiquement:

\fbox{\includegraphics[scale=1]{optfirm1.eps}}

1.3.2.1 Propriétés de la fonction de profit de la firme

La proposition suivante regroupe les principales propriétés de la fonction de profit.

Proposition 9   Soit $ \pi\left( p\right) $ la fonction de profit de l'ensemble des possibilités de production $ Z$ et $ z\left( p\right) $ la correspondance d'offre-nette associée. Nous supposons que l'ensemble $ Z$ est fermé et il vérifie la propriété de libre disposition. Alors

  1. $ \pi\left( p\right) $ est homogène de degré $ 1.$

  2. $ \pi\left( p\right) $ est convexe.

  3. Si $ Z$ est convexe alors $ Z=\{z\in\mathbb{R}^{K}:p\bullet z\leq
\pi\left( p\right) $ pour tout $ p>0\}$.

  4. $ z\left( p\right) $ est homogène de degré 0.

  5. Si $ Z$ est convexe alors $ z\left( p\right) $ est un ensemble convexe pour tout $ p$. De plus, si $ Z$ est strictement convexe alors $ z\left( p\right) $ est une fonction (si non-vide).

  6. Le lemme d'Hotelling. Si $ z\left( p_{0}\right) $ est une fonction alors $ \pi\left( p\right) $ est différentiable en $ p_{0}$ et nous avons $ \nabla\pi\left( p_{0}\right) =z\left( p_{0}\right) $.

Problème 8   Déterminez $ \pi\left( p\right) $ et $ z\left( p\right) $ si l'ensemble de production de la firme correspond à $ Z=\left\{ \left( x,y\right)
:y\leq\sqrt{-x}\right\} $ avec $ x$ l'input et $ y$ l'output.

Problème 9   Même question si $ Z=\left\{ \left( x,y\right) :y\leq-x\right\} $.

1.3.3 Équilibre walrasien

Nous allons maintenant étendre le concept d'équilibre concurrentiel à l'ensemble d'une économie.

Définition 11   Une économie $ \mathcal{E}$est formée par

  1. Un nombre fini $ K$ de biens.

  2. Un nombre fini $ J$ de firmes. Chaque firme $ j$ est spécifiée par son ensemble de production $ Z^{j}\subseteq\mathbb{R}^{K}.$

  3. Un nombre fini $ I$ de consommateurs. Chaque consommateur peut consommer n'importe quel panier non-négatif de $ K$ biens.

    • Ses préférences sont par conséquent définies sur $ X=\mathbb{R}_{+}^{K}$.

    • Ses préférences peuvent être représentées par une fonction d'utilité $ U^{i}:X\rightarrow\mathbb{R}$.

    • Les préférences sont continues et localement insaturables.

    • Chaque consommateur possède une dotation initiale de biens $ e^{i}\in
X$ et une part dans les profits des firmes (c'est une économie capitaliste de propriété privée à la Debreu). Le consommateur $ i$ a droit à la part $ s^{ij}$ des profits de la firme $ j.$ Ses parts sont non-négatives et elles vérifient $ \sum_{i=1}^{I}s^{ij}=1$ pour tout $ j$.

Définition 12   Un équilibre walrasien de l'économie $ \mathcal{E}$ est donné par un vecteur de prix $ p\in\mathbb{R}^{K},$ un tableau de plan de production $ \left( z^{j}\right) _{j=1\dots J}$ et un tableau des plans de consommation $ \left( x^{i}\right) _{i=1\dots I}$ tels que

  1. Pour chaque firme $ j,$ $ z^{j}\in Z$ et $ z^{j}$ résout le problème

    $\displaystyle \max p\cdot z^{j}\quad S.l.c.\quad z^{j}\in Z^{j}
$

  2. Pour chaque consommateur $ i$, un plan de consommation $ x^{i}$ qui résoud le problème

    $\displaystyle \max U^{i}\left( x\right) \quad S.l.c.\quad x\in X, p\cdot x\leq p\cdot
e^{i}+\sum_{j=1}^{J}s^{ij}p\cdot z^{j}
$

  3. Les marchés sont soldés : $ \sum_{i=1}^{I}x^{i}\leq\sum_{i=1}
^{I}e^{i}+\sum_{j=1}^{J}z^{j}$

Remarque 4   Si $ \left( p,\left( z^{j}\right) ,\left( x^{i}\right) \right) $ est un équilibre walrasien alors $ \left( \lambda p,\left( z^{j}\right)
,\left( x^{i}\right) \right) $ est aussi un équilibre walrasien si $ \lambda>0$.

Remarque 5   Si les préférences sont non-décroissantes ou si au moins une firme a accès à une technologie librement disponible alors les prix d'équilibre seront non-négatifs. De même, l'absence de saturation locale implique que tous les prix ne peuvent être nuls à l'équilibre.

Remarque 6   L'absence de saturation locale implique aussi que à l'équilibre les consommateurs vont dépenser la totalité de leur budget: $ p\bullet x^{i}=p\bullet e^{i}+\sum_{j}s^{ij}p\bullet z^{j}.$ En sommant ces conditions sur $ i$ et en tenant compte de $ \sum_{i}s^{ij}=1,$ on constate

$\displaystyle p\sum_{i}x^{i}=p\bullet e+p\bullet\sum_{j}z^{j}
$

avec $ e=\sum_{i}e^{i}$, la dotation sociale.

1.3.4 Les deux théorèmes du bien-être social

L'équilibre walrasien est surtout intéressant car il possède des propriétés d'optimalité sociale qui en font un cadre de référence.

Se propriétés sont résumées par ce que l'on appelle les deux théorèmes du bien-être social.

Définition 13  
  1. Un plan pour l'économie correspond à un tableau des plans de production $ \left( z^{j}\right) $ et un tableau de plans de consommation $ \left( x^{i}\right) $. Un plan $ \left( \left( z^{j}\right) ,\left(
x^{i}\right) \right) $ est dit réalisable si $ z^{j}\in Z$ pour tout $ j$ et $ x^{i}\in X$ pour tout $ i$ et $ \sum_{i}x^{i}\leq\sum_{i}e^{i}
+\sum_{j}z^{j}$.

  2. Un plan réalisable $ \left( \left( z^{j}\right) ,\left(
x^{i}\right) \right) $ est efficace au sens de Pareto s'il n'existe pas d'autre plan réalisable $ \left( \left( \tilde{z}^{j}\right)
,\left( \tilde{x}^{i}\right) \right) $ tel que l'allocation $ \left(
\tilde{x}^{i}\right) $ pareto-domine $ \left( x^{i}\right) $.

Theorem 1   Le premier théorème du bien-être social. Si $ \left(
p,\left( z^{j}\right) ,\left( x^{j}\right) \right) $ est un équilibre walrasien alors $ \left( \left( z^{j}\right) ,\left( x^{j}\right) \right)
$ est un plan efficace au sens de Pareto.

Theorem 2   Le second théorème du bien-être social. Supposons que les préférences sont convexes, continues, non-décroissante et localement non-saturables, et que les ensembles de production sont convexes. Soit $ \left( \left( z^{j}\right) ,\left( x^{j}\right) \right)
$ un plan efficace au sens de Pareto tel que $ x_{k}^{i}>0$ pour tout $ i$ et tout $ k$. Alors le plan $ \left( \left( z^{j}\right) ,\left( x^{j}\right) \right)
$ fait partie d'un équilibre walrasien qu'on peut obtenir après avoir d'abord distribué les dotations et les participations aux profits entre les consommateurs.

On peut alors trouver un vecteur de prix $ p$ qui, une fois crié dans l'économie, conduirait les décisions des agents au plan efficace au sens de Pareto $ \left( \left( z^{j}\right) ,\left( x^{j}\right) \right)
.$

Remarque 7   Existence, unicité, stabilité. L'existence peut être démontrée sous des conditions raisonnables. L'unicité et la stabilité ne sont en général pas assurées sous des hypothèses non-restrictives.

Ces bases nous seront utiles dans la suite du cours.


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Yildizoglu Murat
2002-04-27