Nous allons maintenant étudier l'effet de la possession d'une information privée par l'une des parties (le problème de l'information cachée).
L'exemple canonique de ce type de situation est le marché des voitures d'occasion (lemons) étudié par Akerlof(1970).
Mais avant de l'aborder, nous allons considérer une nouvelle version de notre problème de production pour faire apparaître les différences qui existent entre cette situation et le hasard moral.
La relation d'emploi se déroule de la manière suivante :
Information : Le principal connaît mais il n'observe ni , ni mais seulement . L'agent connaît sa caractéristique (son type) .
Si l'agent accepte un contrat alors les gains sont et Si l'agent refuse tous les contrats alors et .
Le principal fait donc face à une double incertitude : en ne connaissant pas la caractéristique de l'agent, il ne peut lier le salaire à cette variable; en ne pouvant corréler parfaitement l'output et la caractéristique de l'agent, il ne peut déduire avec certitude cette dernière de l'observation de l'output.
Dans le cas de hasard moral (action cachée), le principal cherche à construire un contrat qui incite l'agent à adopter l'action désirée par le principal.
Dans le cas de sélection adverse (information cachée) le principal cherche à proposer un ensemble de contrats différents parmi lesquels l'agent choisira en fonction de son information cachée : en fonction de sa caractéristique qui lui est connue, l'agent préférera certains contrats à d'autres.
Le problème du principal est similaire au cas de hasard moral : maximiser son utilité en tenant compte de
Dans les modèles avec information cachée, la contrainte d'incitation est aussi appelée la contrainte d'auto-sélection puisque deux types différents d'agent choisiront deux contrats différents.
Les contrats doivent alors être conçus de manière à différencier les types dans chaque état du monde .
Donc il y aura nécessairement un ensemble grand de contrats proposé à l'agent.
Pour pousser plus loin cette analyse, prenons une version plus spécifique de notre problème.
La relation d'emploi se déroule de la manière suivante :
Information : Le principal connaît et mais il n'observe ni , ni mais seulement . L'agent connaît son type .
Nous allons supposer que le principal et l'agent sont neutres vis-à-vis du risque.
Quelle est l'action demandée par le principal de chaque type d'agent?
Il ne s'agit plus du choix de l'effort mais de l'acceptation ou non d'un des contrats proposés.
Un agent avec la qualification faible fournit un output espéré de à comparer à son utilité de réserve . Le principal acceptera donc de l'embaucher pour un salaire inférieur ou égal à .
Un agent avec la qualification élevée fournit un output espéré de à comparer à son utilité de réserve . Le principal acceptera donc de l'embaucher pour un salaire inférieur ou égal à .
Le principal voudrait inciter le type faible à choisir un contrat moins cher que le type élevé sans que le premier (le type faible) puisse choisir le contrat plus cher qui sera nécessaire pour embaucher le type élevé.
Le principal voudrait proposer deux contrats et conçus de telle manière que le type faible choisisse et le type élevé choisisse .
Pour ces contrats les contraintes de participation des deux types sont
Nous observons que seul le salaire d'output élevé compte pour tandis que les deux salaires comptent pour .
Cela doit être utilisé pour les obliger à se distinguer.
Il serait donc intéressant de faire aussi risqué que possible.
Les contraintes d'incitations (d'auto-sélection) correspondants au choix de par et de par sont alors données par :
En mettant ces conditions ensemble, nous obtenons l'ensemble de contraintes suivant pour les quatre salaires :
Tout couple de contrat vérifiant ces conditions serait accepté par l'agent avec le type choisissant le contrat et le type , le contrat .
Une manière de rendre risqué pour le type est de baisser le plus possible qui ne pèse que sur la contrainte de participation du type faible : .
Cela nous donne donc le contrat .
De plus, on pourrait caler le type élevé sur sa contrainte de participation : .
Les contraintes qui nous restent sont alors
On peut donc caler le type faible sur sa contrainte de participation si l'on choisit une valeur de
Le contrat suivant vérifierait cela
Quel est l'espérance de gains du principal?
La loterie à la quelle il fait face est la suivante :
Ce qui conduit au gain espéré
Pourrait-il obtenir plus? Le seul ajustement possible est dans le partage entre et tout en calant le type faible sur sa CP
Or la part des gains espérés qu'il obtient avec le type faible et donc le contrat est
Cela provient du fait que les deux types (notamment le type faible) sont déjà calés sur leur CP et il n'y a pas moyen de baisser plus l'espérance de salaire qui sera versé au type faible.
A l'optimum les contraintes de participation et d'incitation seront toujours vérifiées par définition mais cela ne suffit pas pour que les types différents choisissent des contrats différents de manière à s'auto-sélectionner strictement :
Quand la solution correspond à un équilibre mélangeant, cela correspond souvent à une situation inefficace dans la mesure où le principal n'a pas la possibilité d'attirer les types élevés en leur permettant de se distinguer par rapport aux types faibles.
Dans le cas général, l'analyse des problèmes similaires au Problème de production V est relativement complexe.
Pour approfondir notre compréhension des problèmes qui apparaissent dans des situations de sélection adverse, nous nous plaçons maintenant dans le cadre original d'Akerlof.
Akerlof a démarré tout un programme de recherche avec son article de 1970 sur le marché des voitures d'occasion (lemons-choses sans valeur).
Le problème de la sélection adverse apparaît dans ce problème car le vendeur connaît mieux la qualité de sa voiture que l'acheteur.
En termes de problème d'agence, le principal (l'acheteur) réalise un contrat de vente de voiture avec l'agent (le vendeur).
La qualité peut être élevée ou faible et elle ne peut faire l'objet du contrat malgré l'absence d'incertitude.
Cela revient à considérer donc que l'agent possède une information privée sur son type (qui se confond avec le type de la voiture qu'il vend).
La relation de vente se déroule de la manière suivante :
Information : L'agent connaît le type de sa voiture mais le principal ne l'observe pas avant l'achat.
Gains : Si la proposition est refusée . Si la vente a lieu et .
Différentes spécifications de , de et de impliquent différentes situation de sélection adverse.
Commençons par une spécification simple.
La relation de vente se déroule de la manière suivante :
Information : L'agent connaît le type de sa voiture mais le principal ne l'observe pas avant l'achat.
Gains : Les deux parties sont neutres vis-à-vis du risque. Si la proposition est refusée . Si la vente a lieu et .
Si pouvait observer la qualité, il serait prêt à payer pour un tacot et pour une voiture de bonne qualité.
Or il ne peut l'observer et nous supposons qu'il ne peut établir un contrat basé sur la qualité constatée après achat.
Si propose un prix de (la qualité moyenne sur le marché), l'acheteur va en conclure que ce n'est pas une bonne voiture.
Le fait même qu'elle soit proposée à ce prix le déclare ouvertement.
Comme il n'est prêt à payer que pour un tacot, il ne va pas acheter cette voiture.
Or pour les prix supérieurs à aucun acheteur n'a intérêt à acheter sachant que la moitié des voitures sont des tacots :
Donc il n'y a pas de demande si le prix est supérieur à : il n'y a aucun moyen pour que les bonnes voitures trouvent des acheteurs sur ce marché.
A l'équilibre seulement la moitié des voitures seront vendues (à un prix de ) et elles seront toutes des tacots.
C'est un problème type de sélection adverse où l'information asymétrique conduit à un équilibre inefficace.
Le même type de problème apparaît pour des contrats d'assurance-santé : si la prime est calculée de manière équitable pour toute la population, le coût de l'assurance serait suffisamment élevé pour que les personnes en bonne santé ne prennent pas d'assurance : seulement les personnes en mauvaise santé (les clients les pires) prendraient une assurance. Les primes doivent être calculée de manière à éviter ce problème.
Une manière d'éviter ce type de problème pour le vendeur est de mettre en place un signal sur la qualité de son bien (garantie pour un an, par exemple) de sorte qu'il distingue son bien de la qualité faible. Il s'agit alors de signalement de marché
Une autre possibilité est de proposer une gamme complète de contrat qui oblige la partie informée à révéler son information en fonction du contrat qu'il choisit (comme pour le Problème de production Vbis). On parle alors de sélection de marché.