Section 6.4: Au delà de la biologie : un puissant algorithme Up Chapitre 6: L’évolution et ses mécanismes Chapitre 7: Évolution in silico

6.5 L’évolution = perfectionnement?

Il est alors assez courant de penser que cet algorithme finit par optimiser les caractéristiques des objets qu’il fait évoluer. Il s’agit d’une idée assez répandue qui est une source de confusion (on verra plus tard des exemples de ce type de confusion en économie). Or ce point a été clarifié dès le début par Darwin et confirmé par la suite :
«Mais pourra-t-on dire, si tous les êtres organisés tendent ainsi à s’élever dans l’échelle, comment se fait-il qu’une foule de formes inférieures existent encore dans le monde ? Comment se fait-il qu’il y ait, dans chaque grande classe, des formes beaucoup plus développées que certaines autres ? Pourquoi les formes les plus perfectionnées n’ont-elles pas partout supplanté et exterminé les formes inférieures ? Lamarck, qui croyait à une tendance innée et fatale de tous les êtres organisés vers la perfection, semble avoir si bien pressenti cette difficulté qu’il a été conduit à supposer que des formes simples et nouvelles sont constamment produites par la génération spontanée. La science n’a pas encore prouvé le bien fondé de cette doctrine, quoi qu’elle puisse, d’ailleurs, nous révéler dans l’avenir. D’après notre théorie, l’existence persistante des organismes inférieurs n’offre aucune difficulté ; en effet, la sélection naturelle, ou la persistance du plus apte, ne comporte pas nécessairement un développement progressif, elle s’empare seulement des variations qui se présentent et qui sont utiles à chaque individu dans les rapports complexes de son existence.» ([Darwin, 1998], édition libre en français, p. 160)
Darwin montre très clairement pourquoi la sélection (même associé à l’introduction de la diversité) ne conduira pas nécessairement à un perfectionnement des organismes, à une optimisation de leur structure. Par ailleurs, nous verrons que l’absence de pression sélective extrême renforce encore ce phénomène. En effet, la pression sélective émerge uniquement en présence d’avantages relatifs qui permettent aux individus qui en bénéficient d’obtenir un avantage reproductif réel. En l’absence d’un tel avantage significatif, la pression sélective sera relativement faible et des caractéristiques même faibles pourront continuer à exister dans la population. Dans un environnement abondant en ressources, cette idée paraît assez évidente. Mais la nature relative de l’avantage sur lequel se base la sélection fait que nous pouvons voir l’émergence de comportements assez néfastes collectivement comme cela a été mis en lumière par les biologistes, sous la dénomination de spite-effect [Hamilton, 1970] : si certains individus arrivent à infliger des dommages aux autres, tout en s’imposant aussi des dommages, mais moindres que ceux infligés aux autres, ils pourront augmenter leur avantage relatif et bénéficier d’une pression sélective plus faible. Ce type de mécanisme peut bien sûr conduire vers une situation qui serait bien le contraire d’un optimum. Nous reviendrons plus loin sur cette possibilité dans un cadre économique [Vega-Redondo, 1997].
Il a été bien tentant d’étudier l’algorithme qu’a mis au jour Darwin par le biais des simulations informatiques et obtenir des résultats assez passionnants comme nous allons le voir dans le chapitre suivant. Mais, l’idée d’optimisation par l’évolution que nous venons juste de discuter a aussi été mis en oeuvre pour construire des cadres d’évolution contrainte dans lesquels la dynamique est délibérément orientée vers l’optimisation. On espère alors que le résultat de cette évolution pourra produire des solutions à des problèmes qui sont difficiles à résoudre autrement.

 Section 6.4: Au delà de la biologie : un puissant algorithme Up Chapitre 6: L’évolution et ses mécanismes Chapitre 7: Évolution in silico
Sommaire
(c) Murat Yildizoglu, 2021-