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Sous-sections

4. Standards et compatibilité

Quand elles concoivent leurs produits, les firmes doivent tenir compte qu'il existe déjà une très grande diversité de biens. Ainsi la demande du nouveau produit sera-t-elle dépendante des demandes des biens existants. De manière générale, la vie en société implique des interdépendances au niveau du bien-être des agents:

Production :
Les processus de production impliquent des équipes ou des groupes d'individus qui utilisent des biens intermédiaires (machines-outils ou ordinateurs) complémentaires. Par conséquent, pour une production efficace les machines-outils et tous les équipements doivent être désignés de manière à $ (i)$ permettre aux différents ouvriers d'utiliser le même équipement, et $ (ii)$ ce que l'output généré par une machine puisse être utilisé par un autre ouvrier sur une autre machine.

Consommation :
Les individus apprécient de consommer les biens qui sont aussi consommés par d'autres: regarder les mêmes filmes, échanger des livres avec d'autres, écouter le même groupe de rock, téléphoner aux autres... Ils observent la consommation de leur voisins et choisissent la leur en conséquence.

Par conséquent, la compatibilité entre les biens ou les marques détermine la productivité dans la production et le bien-être des consommateurs.

Définition 2  

1.
Les marques sont compatibles si elles peuvent fonctionner ensemble: si l'output d'une marque peut être utilisé par les autres marques. Nous disons alors que ces marques fonctionnent avec le même standard.

2.
Les marques sont compatibles vers le bas si un modèle plus récent est compatible avec l'ancien modèle sans que l'inverse soit vrai.

3.
Les préférences des consommateurs sont sujettes à des externalités de réseau si l'utilité de chaque consommateur est croissante avec le nombre de consommateurs qui achètent la même marque.

Le choix des standards peut avoir un impact considérable sur le bien-être et donc sur les profits des firmes qui les adoptent car un standard unique regroupe les demandes de toutes les marques ensembles. Mais un tel standard ne peut émerger que si toutes les firmes acceptent de l'adopter. Nous avons en fait un jeu de coordination. Soient deux firmes $ A$ et $ B$ qui doivent choisir entre deux standards $ I$ et $ II$:

B
A
$ I$ $ II$
$ I$ $ \left( a,b\right) $ $ \left( c,d\right) $
$ II$ $ \left( d,c\right) $ $ \left( b,a\right) $

Le résultat du jeu correspond à l'équilibre de Nash.

Proposition 4   $ \left( 1\right) $ Si $ a,b>\max\left\{ c,d\right\} $ alors les seuls EN sont $ \left( I,I\right) $ et $ \left( II,II\right) \,$: l'industrie utilise un standard unique. $ \left( 2\right) $ Si $ c,d>\max\left\{ a,b\right\} $ alors les EN sont $ \left( I,II\right) $ et $ \left( II,I\right) \,$: l'industrie utilise deux standards différents, la standardisation n'a pas lieu.

La première partie correspond à une Bataille des sexes. Si $ a\neq b,$ même si chaque firme a un standard préféré, elles préfèrent utiliser le même standard. Dans la seconde partie, il y a une forte prime à la différenciation (PC-Mac dans les années 80). Quand il y a des standars multiples, les producteurs peuvent être incités à rétablir une compatibilité minimale pour ne pas trop pénaliser leurs consommateurs.

Qules sont les motivations des firmes à standardiser, quelles en sont les conséquences sur le bien-être des consommateurs?

Section 1 : une industrie quand les goûts des consommateurs sont sujet à des externalités de réseau.

Section 2: la présence de services complémentaires peut aussi conduire à la standardisation.

Section 3 : Compatibilité des composantes peut aussi conditionner les choix des firmes.

4.1 Externalités de réseau

4.1.1 La demande de services de communication

Un continuum d'utilisateurs potentiels de téléphone dans une ville. Les utilisateurs sont inversement ordonnés selon leur désir pour ce service $ \left( x\right) $ et ils sont placés sur l'intervalle $ \left[
0,1\right] $.

Soit $ n$ le nombre actuel d'abonnés au téléphone et $ p,$ le prix de l'abonnement. L'utilité du consommateur $ x_{0}$ est donnée par:

\begin{displaymath}
U^{x_{0}}=\left\{
\begin{array}[c]{ll}
n\left( 1-x_{0}\right...
...\text{ s'il s'abonne,}\\
0 & \text{sinon}
\end{array}\right.
\end{displaymath}

Etant donné que cette utilité dépend de $ n,$ nous avons des externalités de réseau.

Si $ x_{0}$ est le concommateur qui est indifférent entre les deux options, nous devons avoir:

$\displaystyle n\left( 1-x_{0}\right) -p=0
$

Et le nombre de consommateurs qui accepteront cet abonnement est $ n=x_{0}.$ Par conséquent, la demande inverse est donnée par

$\displaystyle p\left( x_{0}\right) =x_{0}\cdot\left( 1-x_{0}\right) .
$

\includegraphics[
height=8.2044cm,
width=12.591cm
]
{extern0.eps}
Demande

Nous voyons donc que pour chaque prix $ p$ il y a deux demandes possibles: une demande basse $ n=x_{0}^{B}$ et une demande haute $ n=x_{0}^{H}.$ Dans la solution basse il ya peu d'abonnés et l'utilité de chacun est faible. Mais c'est une solution instable car si la demande devenait $ x_{0}^{B}+\varepsilon,$ le nombre d'abonnés augmenterait pour tendre à $ x_{0}^{H}$ (tous les consommateurs contenus dans $ \left[ x_{0}^{B},x_{0}^{H}\right] $ s'abonneraient d'un seul coup). Ce point $ x_{0}^{B}$ est appelé la masse critique.

4.1.2 Le problème du monopole

Considérons que le compagnie de téléphone est un monopole et que ses coûts sont nuls. Ses profits sont donnés par:

$\displaystyle \pi\left( x\right) =p\left( x\right) \cdot x=x^{2}\left( 1-x\right) .
$

\includegraphics[
height=9.0896cm,
width=12.4461cm
]
{externmono.eps}
Profit du monopole

Son problème est alors:

  $\displaystyle \max_{x}\pi\left( x\right)$    
  $\displaystyle \Leftrightarrow\frac{d\pi}{dx}=x\cdot\left( 2-3x\right) =0,$    
$\displaystyle \frac{d^{2}\pi}{dx^{2}}$ $\displaystyle =2-6x<0$    si $\displaystyle x>\frac{1}{3}.$    

Il y a deux extrema $ x_{1}=0$ et $ x_{2}=2/3$ mais seulement $ x_{2}$ maximise lee profit. Par conséquent, le monopole va choisir de ne pas fournir ce service à toute la population $ \left( x^{\ast}=x_{2}<1\right) $. Le prix optimal qui en découle est, dans ce cas, $ p^{\ast}=\dfrac{2}{9}.$ La tarification au coût marginal $ \left( p=0\right) $ aurait conduit à deux solutions extrêmes: $ x^{C}=0$ ou $ x^{C}=1.$

4.1.3 Standardisation ou variété?

Nous considérons maintenant deux variétés différentes pour le bien $ \left( A\text{ and }B\right) $ avec des consommateurs hétérogènes: certains préfèrent la marque $ A$ et d'autres, la marque $ B$. Il y a deux firmes et chacune produit une seule variété.

Nous considérons toujours un continuum de taille $ 1.$ Il y a $ 0<a<1$ consonmmateurs qui préfèrent la marque $ A$ et $ 0<b<1$ consommateurs qui préfèrent $ B$ $ \left( \text{avec }a+b=1\right) :$

\begin{displaymath}%
\begin{array}[c]{ll}
U^{A}=\left\{
\begin{array}[c]{ll}
x_{...
...xt{si }A\\
x_{B} & \text{si }B
\end{array}\right.
\end{array}\end{displaymath}

(Farrel and Saloner (1986))

$ x_{A}$ $ \left( x_{B}\right) $ représente le nombre de consommateurs achetant la variété $ A\,\left( B\right) $ avec $ x_{A}+x_{B}=1.$
Remarques:
Si $ x_{A}=1$ et $ x_{B}=0,$ le produit est standardisé sur la variété $ A.$
Si $ x_{A}=0$ et $ x_{B}=1,$ standardisation sur $ B.$
Si $ x_{A}>0$ et $ x_{B}>0,$ production avec deux standards incompatibles.

Une allocation $ \left( x_{A}^{\ast},x_{B}^{\ast}\right) $ des acheteurs entre les deux variétés est un équilibre si aucun consommateur peut améliorer son utilité en changeant de variété achetée, étant donnés les choix de tous les autres consommateurs.

4.1.3.1 Equilibres mono-standard

Si on a un équilibre avec une seule marque $ j$ $ \left( j=A,B\right) ,$ tout consommateur dont la marque préférée est $ i\neq j$ doit retirer une utilité plus importante en consommant $ j$. En consommant $ j,$ il obtient

$\displaystyle U^{i}=x_{j}-\delta=1-\delta,
$

et comme son poids individuel est négligeable (étant donné le continuum), il doit avoir, s'il consomme seul la marque $ i$

$\displaystyle U^{i}=0.
$

Proposition 5   $ \left( 1.\right) $ Si $ 1-\delta>0$ $ \left(
\delta<1\right) $ il existe deux équilibres mono-standard: un avec le standard $ A$ et un avec le standard $ B.$

$ \left( 2.\right) $ Si $ \delta>1,$ il n'existe pas d'équilibre mono-standard.

Dans le premier cas, les externalités de réseau dominent l'effet de variété idéale et le consommateur préfère consommer le même bien que les autres. Par conséquent, il existe deux équilibres mono-standard avec $ \delta<1,$ avec une standardisation sur $ A$ ou sur $ B.$

4.1.3.2 Equilibres multi-standards

Considérons un équilibre où chacun consomme son bien idéal $ \left( x_{A}^{\ast}=a,\quad x_{B}^{\ast}=b=1-a\right) .$ Cela peut uniquement apparaître si personne ne désire changer sa consommation

$\displaystyle a$ $\displaystyle >b-\delta=1-a-\delta$    
  $\displaystyle \Rightarrow a>\frac{1-\delta}{2}\;$et$\displaystyle \quad b>\frac{1-\delta}{2}.$    

Proposition 6   L'équilibre multi-standards peut uniquement exister si les deux populations sont assez nombreuses. Ainsi si $ a,b>\frac{1-\delta}{2},$ $ x_{A}=a,x_{B}=b$ est un équilibre.

\includegraphics[
height=11.976cm,
width=12.6152cm
]
{extern2.eps}

Quand la perte d'utilité $ \left( \delta\right) $ diminue, la zone d'existence de l'équilibre multi-standard augmente.

S'il n'existe pas d'équilibre mono-standard $ \left( \delta>1\right) $, un équilibre multi-standards trivial existe $ \left( \frac{1-\delta}
{2}<0<j,\quad j=a,b\right) .$

4.1.3.3 Efficacité du choix de standard

Le surplus des consommateurs dans les différents cas:

\begin{displaymath}
SS=\left\{
\begin{array}[c]{ll}
SS^{A}=a+b\left( 1-\delta\ri...
...\right) +b=1-a\delta & \text{si standard }B
\end{array}\right.
\end{displaymath}

La comparaison de ces équilibres du point de vue du bien-être social nous donne:

$\displaystyle SS^{A}$ $\displaystyle >SS^{B}\Leftrightarrow a>b,$    
$\displaystyle SS^{AB}$ $\displaystyle >SS^{A}\Leftrightarrow\delta>\frac{1-a^{2}-b^{2}}{b} \Leftrightarrow a<\frac{\delta}{2}$    
$\displaystyle SS^{AB}$ $\displaystyle >SS^{B}\Leftrightarrow\delta>\frac{1-a^{2}-b^{2}}{a} \Leftrightarrow b<\frac{\delta}{2}$    

Proposition 7   $ \left( 1\right) $ Si les consommateurs ``de type $ a$'' sont majoritaires, la standardisation sur $ A$ est plus efficace.

$ \left( 2\right) $ Si la désutilité de consommer la marque moins désirée n'est pas trop forte $ \left( \delta<1\right) ,$ l'équilibre bi-standards incompatibles est Pareto-dominé par les équilibres mono-standard puisque nous avons $ SS^{AB}<SS^{j}$ pour au moins un type des standardisation $ \left( j=a,b\right) \,:$ Nous avons $ a+b=1>\delta$ au lieu de $ a+b<\dfrac{\delta}{2}+\dfrac{\delta}{2}=\delta.$

$ \left( 3\right) $ Si $ \delta>1,$ l'équilibre bi-standards est socialement optimal si et seulement si $ a<\dfrac{\delta}{2}$ et $ b<\dfrac
{\delta}{2}$ (donc quand la perte d'utilité provenant de la consommation d'un bien non-idéal n'est pas trop forte) et c'est le seul équilibre.

La Proposition  [*] montre que si $ \delta<1,$ les seuls équilibres sont mono-standard. Mais Proposition [*]- $ \left(
1\right) $ montre que si la marque $ A$ est majoritairement pré férée, une standardisation sur $ B$ est socialement sous-optimale. Nous avons par conséquent

Proposition 8   Un équilibre où l'industrie standardise sur le mauvais bien existe.

Mais avec un minimum de coordination les agents pourraient atteindre l'équilibre socialement optimal.

Néanmoins, si $ a>b$ mais le bien $ B$ entre le premier dans le marché, la base installée de $ B$ va empêcher l'entrée de $ A$ sur le marché dès que $ x_{B}>1+\delta$ agents adoptent la marque $ B$:

$\displaystyle U^{B}\left( 0,1\right) >U^{A}\left( 0,1\right) =x_{B}-\delta>U^{A}\left(
1,0\right) =1
$

D'autre part

Proposition 9   Si un équilibre de bi-standards incompatibles est efficace $ \left(
x_{A}=a\quad\text{et\quad}x_{B}=b\right) ,$ il existe et il est unique.

Les propriétés des équilibres dépendent donc de la force des externalités de réseau et de la fidélité des consommateurs à leur marque.

4.2 Services de support et effets de réseau

Peut-on avoir des effets de réseau sans supposer initialement des externalités de réseau dans l'utilité des consommateurs?

Considérons une industrie où les consommateurs tirent leur satisfaction de la consommation d'un bien principal et d'une variété de biens complémentaires (spécifiques à chaque marque) que nous appelerons les services de support.

En général ce type de services est effectivement incompatible entre les différentes marques (logiciels pour les PCs $ \neq$ logiciels pour Apple).

4.2.1 Effets de réseaux sans externalités de réseau

Soient deux types d'ordinateurs $ W$ et $ L$. Chaque consommateur dispose de $ F$ francs pour acheter un ordinateur et un ensemble de logiciels écrits pour le type d'ordinateur qu'il choisira.

Soit $ p_{i}$ le prix de chaque ordinateur $ \left( i=W,L\right) $. Par conséquent, la somme que le consommateur peut consacrer à l'achat de logiciels est donnée pour chaque marque par

$\displaystyle L_{i}\equiv Y-p_{i}$ (4.1)

Soit $ N_{i}$ le nombre de logiciels disponibles pour la marque $ i$. L'utilité des consommateurs qui achètent la marque $ i$ est croissante avec $ N_{i}$. Les consommateurs sont représentés sur le segment $ \left[ 0,1\right] $ selon l'indice $ \delta$ qui indique leur pré férence pour la marque $ L$.

\includegraphics[
height=2.5657cm,
width=12.1956cm
]
{supser1.eps}

L'utilité du consommateur $ \delta$ est alors donnée par

$\displaystyle U^{\delta}\equiv\left\{ \begin{array}[c]{l} \left( 1-\delta\right...
...ch\\lq {e}te }W\\  \delta\sqrt{N_{L}}\text{ s'il ach\\lq {e}te }L \end{array} \right.$ (4.2)

et elle représente la présence d'un ``désir pour la diversité'' de logiciels. Quelque soit la marque choisie, l'utilité augmente avec le nombre de logiciels disponibles pour cette marque.

Le consommateur $ \hat{\delta}$ est indifférent entre $ W$ et $ L$ si

$\displaystyle \left( 1-\hat{\delta}\right) \sqrt{N_{W}\text{ }}=\hat{\delta}\sqrt{N_{L}}$ (4.3)

Si l'on note par $ \delta_{i}$ la demande du bien $ i=W,L$,

$\displaystyle \delta_{W}$ $\displaystyle =\hat{\delta},\;\quad\delta_{L}=1-\hat{\delta}$    
$\displaystyle \frac{\delta_{L}}{\delta_{W}}$ $\displaystyle =\frac{1-\hat{\delta}}{\hat{\delta}} =\sqrt{\frac{N_{L}}{N_{W}}}$ (4.4)

Proposition 10   La marque qui est soutenue par le plus grand nombre de logiciels possède la plus grande part de marché: $ \delta_{W}>\delta
_{L}\Leftrightarrow N_{W}>N_{L}$.

4.2.1.1 L'industrie de logiciels

Comment est-ce que l'offre de logiciels est déterminée? Nous n'allons pas modéliser complètement le secteur de logiciels.

Hypothèse 1   Le nombre de logiciels différents offerts pour chaque marque est proportionnel aux dépenses totales des consommateurs pour l'achat de ce type de logiciels.

$\displaystyle N_{W}$ $\displaystyle =\hat{\delta}L_{W}=\hat{\delta}\left( Y-p_{W}\right)$    
$\displaystyle N_{L}$ $\displaystyle =\left( 1-\hat{\delta}\right) L_{L}=\left( 1-\hat{\delta}\right) \left( Y-p_{L}\right) .$    

En substituant ces valeur dans % latex2html id marker 6344
$ \left( \ref{deltahat2}\right) \,:$

$\displaystyle \hat{\delta}=\frac{L_{W}}{L_{W}+L_{L}}=\frac{Y-p_{A}}{2Y-p_{A}-p_{B}}$ (4.5)

4.2.1.2 Effets de réseaux

Les effets de réseaux apparaissent alors dans l'interdépendance des demandes des deux marques.

Proposition 11   Une augmentation du prix de l'ordinateur $ W$ $ \left( p_{W}\right) $

1.
diminue le nombre d'utilisateurs de $ W$ et augmente celui de $ L;$

2.
diminue le nombre de logiciels écrits pour $ W$ $ \left(
N_{W}\right) $ et augmente $ N_{L};$

3.
diminue le bien-être des utilisateurs de $ W$ et augmente de celui des utilisateurs de $ L.$

Preuve : Les deux premières parties sont évidentes. La dernière découle de l'enchaînement suivant

$\displaystyle p_{W}\uparrow\Rightarrow\delta_{W}\downarrow\Rightarrow\delta_{L}
\uparrow\Rightarrow N_{L}\uparrow\Rightarrow U^{L}\uparrow.
$

$ \square$

4.2.2 Compatibilité partielle

Imaginons maintenant qu'une compatibilité partielle existe entre les deux marques.

Définition 3   Une marque d'ordinateur $ i$ possède une compatibilité partielle de degré $ \rho_{i}$ $ \left( 0\leq\rho_{i}\leq1\right) $ avec la marque $ j$ si une fraction $ \rho_{i}$ des logiciels écrits pour $ j$ peut être aussi utilisée par un ordinateur de marque $ i$.

La compatibilité n'est donc pas nécessairement symétrique.

Notons par $ n_{i}\;\left( i=W,L\right) $ le nombre de logiciels spécifiques à la marque $ i.$ Si les logiciels sont partiellement compatibles

$\displaystyle N_{W}=n_{W}+\rho_{W}n_{L}\,\,et\,\,N_{L}=n_{L}+\rho_{L}n_{W}.$ (4.6)

(voir Chou, C. and O. Shy, 1993, ``Partial Compability and Supporting Services'', Economics Letters 41: 193-197.)

Sans développer totalement le modèle, exposons-en les conséquences avec un cas simple: l'industrie produit un nombre non-nul de logiciels spécifiques pour les deux types et $ N_{W}$ et $ N_{L}$ sont donnés. La figure suivante représente alors les propriétés de l'équilibre.

\includegraphics[
height=9.0457cm,
width=13.261cm
]
{comppart.eps}
Effet de la compatibilité partielle

Proposition 12   Quand la compatibilité des ordinateurs $ W$ avec les logiciels écrits pour $ L$ augmente cela

1.
réduit le nombre de logiciels spécifiques pour $ W$ et augmente celui de $ L;$

2.
réduit le nombre total de logiciels disponibles pour $ W$ $ \left(
N_{W}\right) $ et augmente celui de $ L.$

(Pour la preuve de la seconde partie voir Chou et Shy (1993)). Cela explique notamment pourquoi MS ne facilite pas l'utilisation des licences de type GNU en vue d'améliorer le port des logiciels développés pour Windows vers Linux. Cela explique aussi l'incompatibilité légendaire des IBM PCs avec les Macintosh. Les raisons liées à la différenciation et ses effets sur la concurrence sont aussi responsable de l'incompatibilité entre les biens.

4.3 Composantes et la compatibilité

La complémentarité entre les composantes est une autre source possible des externalités de réseau.

4.3.1 Le modèle de base

(Matutes, C. et P. Régibeau, 1988, ``Mix and Match: Product Compatibility Without Network Externalities'', RAND Journal of Economics, 19: 221-234.)

4.3.1.1 Le produit

Le produit est formé de deux composantes. Ordinateur=UC + Moniteur. Les deux composantes sont des compléments parfaits: on ne peut utiliser l'une d'elles sans utiliser aussi l'autre. Soit $ X$ la première composante (l'UC) et $ Y,$ la seconde (le moniteur).

4.3.1.2 Firmes et compatibilité

Il y a deux firmes $ A$ et $ B$ qui peuvent produire les deux composantes. Nous utilisons la notation suivante

$\displaystyle %
\begin{tabular}[c]{cc\vert\vert cc}
& & \multicolumn{2}{\vert\v...
...Firmes & $A$\ & $X_{A}$\ & $Y_{A}$\\
& $B$\ & $X_{A}$\ & $Y_{B}$\end{tabular}$

Etant donnée la complémentarité parfaite des composantes, chaque composante doit acheter une unité de $ X$ et une de $ Y$. La compatibilité consiste alors dans la possibilité de combiner des composantes de marques différentes.

Définition 4  
1.
Les composantes sont incompatibles si les composantes de marques différentes ne peuvent être combinées de manière à former un bien complet: les systèmes hétérogènes n'existent pas sur le marché.

2.
Elles sont compatibles s'il est possible de combiner les diffé rentes marques: les systèmes de type $ X_{A}Y_{B}$ et $ X_{B}
Y_{A}$ existent sur le marché.

Ici la compatibilité est un concept symétrique.

4.3.1.3 Consommateurs

Il y a trois consommateurs $ AA,$ $ AB$ et $ BB$ qui ont des préférences hétérogènes pour les différents systèmes. Soit $ p_{i}^{l}$ le prix de la composante $ l=x,y$ produite par la firme $ i=A,B.$ Chaque consommateur a une combinaison idéale de composantes: Si $ p_{A}^{x}=p_{B}^{x}$ et $ p_{A}^{y}=p_{B}^{y}$ alors le consommateur $ AA$ choisit toujours $ X_{A}Y_{A\text{ }}$ contre $ X_{B}Y_{B}$ et si les composantes sont compatibles, $ AB$ préfère le système $ X_{A}Y_{B}$ à tous les autres.

Si un consommateur achète un système $ X_{i}Y_{j},$ il paie un prix total pour le système de $ p=p_{i}^{x}+p_{j}^{y},$ $ i,j=A,B.$ Nous notons par $ U_{ij}$ le niveau d'utilité du consommateur dont le système idéal est $ X_{i}Y_{j}$ $ \left( ij\in\left\{ AA,AB,BB\right\} \right)
$. Pour $ \lambda>0$ nous supposons

$\displaystyle U_{ij}\equiv\left\{ \begin{array}[c]{cc} 2\lambda-\left( p_{i}^{x...
...ach\\lq {e}te }X_{j}Y_{i}\\  0 & \text{S'il n'ach\\lq {e}te rien} \end{array} \right.$ (4.7)

Par conséquent, chacun de nos consommateurs a un système idéal si les prix sont égaux. L'utilité brute du consommateur est donnée par $ \lambda\times$ le nombre de composantes communes avec son bien idéal.

4.3.2 Systèmes incompatibles

Supposons que les composantes produites soient incompatibles. Seulement deux systèmes sont alors possibles $ X_{A}Y_{A}$ et $ X_{B}Y_{B}.$ Soit $ q_{i}$ le nombre de systèmes vendus par la firme $ i=A,B$ et $ p_{i}$ le prix du système homogène de la firme

$\displaystyle X_{A}Y_{A}$ $\displaystyle \rightarrow p_{A}=p_{A}^{x}+p_{A}^{y}$    
$\displaystyle X_{B}Y_{B}$ $\displaystyle \rightarrow p_{B}=p_{B}^{x}+p_{B}^{y}$    

La fonction de profit de la firme $ i=A,B$ est $ \pi_{i}=p_{i}q_{i}.$ Nous cherchons l'équilibre de Nash en prix.

Définition 5   Un équilibre à composantes incompatibles est un couple de prix $ \left( p_{A}^{I},p_{B}^{I}\right) $ et un couple de quantités $ \left(
q_{A}^{I},q_{B}^{I}\right) $ tels que pour chaque prix $ p_{j}^{I},$ la firme $ i$ choisit $ p_{i}^{I}$ de manière à maximiser $ \pi_{i}\left(
p_{i},p_{j}^{I}\right) $ sous la contrainte $ q_{i}=nombre$ des consommateurs maximisant  % latex2html id marker 6523
$ \left( \ref{Uij}\right) $ en choisissant le système $ i\neq j=A,B.$

Lemme 1   Il n'existe pas d'équilibre où une firme vend à tous les consommateurs.

Preuve : Si la firme $ A$ vend à tous les consommateurs, il doit appliquer $ p_{A}=0$ $ \left( U_{BB}=0\right) $ Mais $ B$ peut quand même fixer $ p_{B}=\epsilon<2\lambda$ pour attirer le consommateur $ BB$ $ \left( U_{BB}=2\lambda-\epsilon>0\right) .$ $ \square$

Par conséquent, à l'équilibre une firme vend à deux consommateur et l'autre vend au troisième.

Proposition 13   Il existe trois équilibres:

$ \left( E1\right) $
$ A$ vend à $ AA$ et à $ AB$ et $ B$ vend à $ BB$ - $ p_{A}^{I}=\lambda,q_{A}^{I}=2,p_{B}^{I}=2\lambda,q_{B}^{I}=1.$

$ \left( E2\right) $
$ A$ vend à $ AA$ et $ B$ vend à $ BB$ et $ AB$ - $ p_{A}^{I}=2\lambda,q_{A}^{I}=1,p_{B}^{I}=\lambda,q_{B}^{I}=2.$

$ \left( E3\right) $
$ A$ vend à $ AA$ et $ B$ vend à $ BB$ et $ AB$ n'achète rien - $ p_{A}^{I}=p_{B}^{I}=2\lambda,q_{A}^{I}=q_{B}^{I}=1.$

Dans les trois équilibres les profits sont donnés par $ \pi_{A}^{I}
=\pi_{B}^{I}=2\lambda.$

Preuve : A vérifier (notamment pour les consommateurs).

Soit le surplus des consommateurs

$\displaystyle SC^{I}=U_{AA}^{I}+U_{BB}^{I}+U_{AB}^{I}
$

et le surplus social

$\displaystyle W^{I}=\pi_{A}^{I}+\pi_{B}^{I}+SC^{I}.
$

Nous avons

$\displaystyle \left( E1,E2\right) \quad$ $\displaystyle :\quad SC^{I}=\lambda,\quad W^{I}=5\lambda,$    
$\displaystyle \left( E3\right) \quad$ $\displaystyle :\quad SC^{I}=0,\quad W^{I}=4\lambda.$    

4.3.3 Systèmes compatibles

Si les composantes sont compatibles, deux autres systèmes deviennent disponibles: $ X_{A}Y_{B}$ et $ X_{B}Y_{A}$. Chaque consommateur peut maintenant acheter son bien idéal. Nous considérons cet équilibre.

Définition 6   Un équilibre à composantes compatibles est un vecteur de prix $ \left(
p_{A}^{x},p_{A}^{y},p_{B}^{x},p_{B}^{y}\right) $ et un vecteur de quantités $ \left( q_{A}^{x},q_{A}^{y},q_{B}^{x},q_{B}^{y}\right) $ tels que pour tout $ \left( p_{j}^{x},p_{j}^{y}\right) $ donné, la firme $ i$ choisit $ \left( p_{i}^{x},p_{i}^{y}\right) $ de manière à maximiser $ \pi_{i}\left( p_{i}^{x},p_{i}^{y},p_{j}^{x},p_{j}^{y}\right) $ sous la contrainte que $ q_{i}^{x}$ et $ q_{i}^{y}$ sont les nombres des consommateurs qui maximisent leur utilité en choissisant respectivement les composantes $ X_{i}$ et $ Y_{i}$.

Proposition 14   Il existe un équilibre $ \left( E4\right) $ où chaque consommateur achète son bien idéal. Dans cet équilibre nous avons $ p_{A}
^{x}=p_{A}^{y}=p_{B}^{x}=p_{B}^{y}=\lambda$ et $ \pi_{A}^{C}=\pi_{B}
^{C}=3\lambda.$

Preuve : A vérifier.

Nous avons dans ce cas

$\displaystyle SC^{C}=0,\quad W^{C}=6\lambda.
$

4.3.4 Compatibilité ou incompatibilité

Quel est l'effet de la compatibilité sur les performances de l'industrie?

Proposition 15   Les consommateurs ne gagnent rien de la compatibilité $ \left( SC^{I}\geq
SC^{C}\right) .$

Proposition 16   Compatibilité est une source de profit pour toutes les firmes.

Proposition 17   Le bien-être social est plus élevé quand les composantes sont compatibles: le gain des firmes domine la perte des consommateurs.

Ces résultats proviennent du fait qu'avec des composantes compatibles $ \left( E4\right) $, les firmes font payer aux consommateurs toute leur disponibilité à payer. Dans les équilibres $ \left( E1,E2\right)
,$ un consommateur paie un prix inférieur à sa disponibilité à payer tout en achetant son bien idéal.

4.3.5 Décision de compatibilité des firmes

Imaginons maintenant un jeu en deux étapes: en une première étape, les firmes conçoivent leur produit décident d'être compatible avec le concurrent ou non. En une seconde étape, une concurrence en prix a lieu.

Comme la compatibilité est une relation symétrique dans ce modèle, le choix d'être compatible implique une externalité pour le concurrent: Si $ A$ choisit de produire un $ X_{A}$ compatible avec $ Y_{B},$ tout se passe comme si $ B$ avait choisi de produire un $ Y_{B}$ compatible avec $ X_{A}.$ Cette externalité est donc différente du cas des services de support. Cette symétrie conditionne directement l'équilibre parfait en sous-jeux $ \left( EPSJ\right) $ de ce modèle:

Proposition 18   Dans ce jeu à deux étapes, l'EPSJ conduit à des composantes compatibles.


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Murat Yildizoglu