Bain : les firmes installées sont des leader de Stackelberg sur le marché (l'entrant potentiel se contente de s'ajuster aux quantités qu'elles produisent.)
Par conséquent accepter le postulat de Sylos-Labini pour les conjectures de l'entrant potentiel ou supposer que les firmes installées sont leader sur le marché sont équivalents.
Approche dynamique : l'histoire de l'industrie peut justifier le fait que les firmes installées aient une position de leader.
C'est ce mécanisme que nous avons mise en oeuvre quand nous avons considéré la possibilité de l'engagement d'une firme installée à une décision irréversible (cf. Licence).
Cette décision devait être parfaitement observable par l'entrant potentiel et elle devait baisser les gains de la firme installée dans le cas où elle ne combattait pas l'entrée.
Sous ces conditions, elle correspondait à une menace crédible en vue de dissuader l'entrée et elle justifiait le postulat de Sylos-Labini.
Spence (1977) considère la possibilité pour la firme installée d'investir dans une capacité de production stricte de manière à inciter l'entrant à croire que la production après l'entrée sera égale à la capacité avant l'entrée.
L'utilisation du concept d'équilibre de Nash conduit Spence à obtenir des équilibres où la firme installée se trouve avec une capacité excédentaire de sorte que le coût d'opportunité de la capacité soit relativement élevé et les barrières à l'entrée relativement faibles.
Dixit (1980) accorde à la capacité un rôle beaucoup plus spécifique : il s'agit d'un investissement en une certaine facilité de production pour les quantités inférieures à la capacité.
Techniquement, l'acquisition d'une capacité revient à transférer les coûts variables du jeu de marché en un coût fixe financé avant le jeu de marché : le coût de la capacité.
De plus Dixit utilise le concept d'équilibre parfait en sous-jeux de Selten et il montre que l'existence d'une capacité excédentaire chez Spence tient à l'uti lisa tion de l'équilibre de Nash.
Dans la suite nous allons généraliser les résultats du modèle de Dixit pour un concept d'investissement plus abstrait qui peut correspondre à des phénomènes très différents.
Pour ce faire nous allons exposer une taxinomie des stratégies d'investissement qui est due à Fudenberg & Tirole. Le cas de l'apprentissage par l'expérience va alors apparaître comme un autre cas particulier où ces conclusions générales peuvent être retrouvées.
Dans le modèle de Dixit et de manière générale, dans les modèles de type Stackelberg où la firme installée peut s'engager dans un investissement irréversible, cet investissement n'a de valeur stratégique que dans la mesure où il influence les comportements du concurrent.
Nous allons présenter un cadre à deux périodes où ces influences seront étudiées plus en détail.
Dans la période 1 la firme 1 (la firme installée) choisit une variable (par exemple sa capacité). Nous appellerons l'investissement de la firme 1.
La firme 2 observe et elle décide d'entrer ou non. Si elle n'entre pas alors elle a un profit nul et la firme installée a le monopole du marché à la seconde période.
Son profit de monopole est donné par:
Si la firme 2 entre alors les deux firmes choisissent simultanément et et leur profit de seconde période sont donnés par:
Etant donné le choix de la firme 1, le jeu de la seconde période est caractérisé par un équilibre de Nash que nous supposons unique et stable:
Nous allons maintenant étudier les influences du choix de première période de la firme 1, , sur l'équilibre de Nash de la seconde période.
Nous dirons que l'entrée est dissuadée si
Nous dirons que la firme 1 accommode l'entrée si
La situation que la firme installée va choisir dépend de l'intérêt qu'elle a de bloquer ou laisser libre l'entrée.
Nous négligerons à ce niveau le cas où la décision de monopole non-contraint suffit pour bloquer l'entrée (blockaded entry) car ce cas n'est très pas intéressant pour l'étude des stratégies optimales.
Par conséquent pour bloquer l'entrée la firme installée doit choisir un tel que
Par conséquent nous devons avoir (le théorème d'en ve loppe):
Le premier terme correspond à un effet directe de l'investissement de la firme 1 sur le profit de la firme 2. Cet effet est souvent nul (le cas de Dixit, par exemple) : l'investissement de la firme 1 influence uniquement sa technologie dans ce cas.
Le second effet montre comment la stratégie optimale de la firme installée à la seconde période est influencée par sa décision d'investissement à la première période : c'est l'effet stratégique de l'in ves tis sement (d'où l'influence sur le profit). Fudenberg et Tirole adoptent la classification suivante :
Evidemment, si elle veut dissuader l'entrée, la firme installée doit apparaître agressive. Fudenberg et Tirole introduise la taxinomie suivante pour les stratégies d'investissement :
Si l'investissement rend la firme agressive alors elle a intérêt à sur-investir pour dissuader l'entrée (top dog), s'il la rend pacifique alors elle doit sous-investir (lean and hungry).
Si le blocage de l'entrée est trop coûteux pour la firme installée alors elle peut choisir d'accommoder l'entrée.
Dans ce cas le choix de son investissement, , sera guidé non pas par le niveau du profit de son concurrent mais par celui de son propre profit.
L'incitation à investir est alors donnée par la dérivée totale de par rapport à . De nouveau on peut appliquer le théorème d'enveloppe de sorte que
Cette influence peut donc être de nouveau décomposée en un effet direct de minimisation des coûts et un effet indirect stratégique.
Le premier effet existerait même si l'entrant potentiel ne pouvait pas observer l'investissement de la firme 1.
L'effet stratégique vient de l'influence de la décision d'investissement de la firme installée sur le choix optimal de la firme 2 à la seconde période.
Un effet stratégique positif incite la firme installée à sur-investir et un effet stratégique négatif l'incite à sous-investir.
Le signe de l'effet stratégique peut être exprimé en termes de l'effet de l'investissement sur le comportement de seconde période de la firme installée (pacifique ou agressif) et du signe des pentes des courbes de réaction des firmes à la seconde période.
Supposons que les actions de seconde période des deux firmes sont de même nature, c'est à dire
En utilisant la dérivation en chaîne:
Or nous savons que la pente des courbes de réaction permet de distinguer les stratégies complémentaires et substituables.
Dans le cas où la firme installée décide d'accommoder l'entrée sa stratégie d'investissement sera donc déterminé par deux éléments :
Nous avons donc quatre cas possibles pour l'acco mo dation de l'entrée :
Si l'investissement rend la firme 1 agressive et les courbes de réactions sont décroissantes alors et l'investissement par la firme 1 discipline le comportement de son concurrent. La firme installée a alors intérêt à sur-investir : stratégie de top dog.
Si l'investissement rend la firme 1 agressive et les stratégies sont complémentaires alors, l'investissement rend son adversaire agressif aussi . Elle va alors sous-investir pour ne pas inciter son concurrent à un comportement agressif : stratégie de puppy dog.
Si l'investissement la rend pacifique et les stratégies sont substituables alors l'investissement rend son concurrent agressif . Elle doit alors sous-investir pour rester agressif : stratégie lean and hungry.
Si l'investissement la rend pacifique et les stratégies sont complémentaires alors l'investissement rend son concurrent pacifique aussi . La firme installée doit alors sur-investir pour avoir un concurrent pacifique : stratégie de fat cat.
L'investissement rend la firme 1 | ||||||||||
Agressive | Pacifique | |||||||||
Str. comp. |
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||||||||
Str. subs. | Top dog | L.and h. |
Cette taxinomie généralise donc le cas de Dixit de manière à considérer tous les cas possibles d'influences de l'investissement sur l'équilibre de seconde période.
L'existence d'une possibilité d'apprentissage par l'ex périence implique qu'une firme installée peut réduire ses coûts de seconde période en augmentant sa production de la première période.
Le supplément de production initiale correspond alors à un investissement en apprentissage et cet investissement est réducteur de coût.
Nous pouvons montrer aisément que dans ce cas l'investissement rend la firme installée agressive.
Si de plus le jeu de seconde période est en quantités (stratégies substituables) alors la firme installée doit sur-investir et adopter un profil de top dog.
Soit une demande de marché linéaire:
Soit le coût unitaire à la deuxième période de la firme installée:
Alors, étant donnée la production de la firme installée à la première période, les quantités d'équilibre de Cournot du jeu de marché sont données par:
Nous avons donc un effet stratégique négatif.De plus les stratégies sont substituables (jeu de Cournot).
Par conséquent on est dans un cas où la firme installée a intérêt à sur-investir : stratégie de top dog. On peut aussi montrer que cette stratégie peut conduire la firme installée à bloquer l'entrée si cela est intéressant pour elle.