Les lois anti-trust des Etats-Unis et de l'Europe condamnent fortement la coopération entre les firmes au niveau de leur marché final. Elles visent à bloquer toute tentative de cartélisation.
Pour contourner ces lois, les firmes choisissent de collaborer à des étapes moins visibles du processus de production et notamment en coordonnant leurs efforts de R&D par le biais des laboratoires communes de recherche, par des accords de coopération, par le transfert croisé de licences et de brevets.
Les législations sont en plus relativement ambiguës quand à leur recommandations face à ce type de coopération pré concurrentielle. La législation européenne est même plutôt favorable.
Nous allons analyser les conséquences de ce type de coopération dans le cadre d'un modèle simple de duopole.
Ce modèle a été proposé par [D'Aspremont and Jacquemin, 1988] (d'Aspremont & Jacquemin, 1987, AER).
Il y a deux étapes.
En les firmes décident le montant de leur investissement en R&D.
Cette R&D leur permet de réduire les coûts de production de la seconde étape où un oligopole de Cournot à lieu avec une fonction de demande inverse
Représentons par l'investissement en R&D de la firme à la première période.
Processus d'innovation
Les coûts unitaires des firmes sont alors donnés par
(3.1) |
Ces coûts sont donc décroissants avec l'investissement en R&D.
représente les effets croisés (ou externalités) de R&D.
Si , la firme profite de la R&D engagée par son concurrent. C'est une externalité positive qu'on appelle l'effet de spillover.
Cet effet n'existe que si les firmes ne peuvent garder totalement secret leur innovation et s'approprier pleinement tous les bénéfices de leur investissement.
Naturellement, l'investissement en R&D a un coût.
En vue d'obtenir une innovation de procédé plus importante, les firmes doivent investir plus que proportionnellement en R&D.
Concurrence sur le marché final
Etant donnés les investissements en R&D, nous pouvons calculer l'équilibre de Cournot correspondant.
Chaque firme maximise le profit et l'équilibre correspond à l'intersection des deux courbes de réaction.
En remplaçant les coûts par leur expression en termes de et
Equilibre avec non-coopérative
Dans ce cas, chaque firme choisit son effort de R&D de manière non-coopérative.
Nous cherchons donc un équilibre de Nash en
En calculant de nouveau les fonctions de réaction et leur intersection, nous trouvons un équilibre de Nash symétrique
(3.2) |
Equilibre avec coopération en
Dans ce cas, les firmes fixent ensemble leur niveau de R&D de manière à maximiser le profit joint (tout en sachant qu'à la seconde période, elles vont se faire concurrence en quantités) :
Dans ce cas, les conditions de premier ordre sont données par
Ces conditions conduisent alors à un équilibre coopératif symétrique :
(3.3) |
La proposition suivante compare les deux équilibres.
Si l'effet de spillover est fort les efforts de R&D avec coopération sont plus é lévés que sans coopération Dans ce cas on a
Si on a et
Preuve :Triviale.
Ces résultats nous permettent d'évaluer l'impact de la coopération en R&D sur le bien-être social.
L'explication de la première partie de la proposition est immédiate : en coopérant, les firmes peuvent toujours reproduire la solution non-coopérative. Elles doivent donc obtenir au moins ces profits non-coopératifs.
La seconde partie de la proposition montre que si les externalités sont fortes les firmes, mais aussi les consommateurs, gagnent avec la coopération. En fait dans ce cas les efforts de R&D joints tiennent compte des effets croisés et les firmes investissent pleinement pour en profiter dans la coopération. Ces fuites réduisent l'investissement en R&D dans la situation non-coopérative (cf. Figure précédente).
Quand est faible alors chaque firme profite pleinement de son investissement individuel et elle obtient un avantage concurrentiel considérable pendant le jeu de marché. Les profits des firmes sont toujours plus élevés avec la coopération mais le surplus des consommateurs est plus faible dans ce cas. Par conséquent, l'absence de coopération peut être souhaitable dans ce cas si le premier effet est dominé par le second.
Par conséquent, la coopération en R&D est surtout souhaitable si les possibilités d'appropriation des firmes (du produit de leurs recherches) sont faibles. Cela est par exemple vrai pour les secteurs où les savoirs-faire sont assez généraux et faciles à reproduire (chimie de base, pharmacie, etc.).
Les droits de propriété intellectuelle jouent aussi un rôle important dans l'appropriabilité de ces savoirs.