SIGRIST Arnaud et THAUVIN Sébastien
L’Etat, par ses dépenses publiques est un producteur important par l’intermédiaire des services qu’il offre, par les entreprises nationalisées, et par ses investissements massifs, il exerce une grande influence sur la production globale du pays. La fiscalité lui permet d’orienter la production privée en favorisant, par exemple, une branche d’activité par des détaxations ou des impositions légères. Le budget public lui permet de financer ses propres investissements qui sont moins soumis aux lois du marché et à l’obligation de rendement. La question est de savoir si les dépenses publiques sont simplement un prélèvement ou si elles sont également créatrices de richesses.
L’action la plus créatrice de richesse est sans aucun doute l’investissement. Notre problème ici est le lien qui unit ou qui désunit l’investissement public de la croissance économique des nations.
Dans l’Histoire de la pensée économique, on peut sans difficulté distinguer deux courants opposés : d’une part, les classiques et néo-classiques qui voient dans toute intervention étatique une perte d’efficacité car le secteur ferait mieux à moindres coûts, et d’autre part les divers courants socialistes et les keynésiens qui considèrent l’intervention de l’Etat comme une occasion de financer des projets non rentables économiquement mais socialement utiles, et de relancer une économie en situation de crise ou de soutenir la croissance.
A travers une étude historique et des études de cas, nous allons tenter d’apporter des éléments permettant de répondre à la question : les investissements publics sont-ils significatifs dans l’explication de la croissance.
Quand on cherche à évaluer le poids de l’Etat dans l’économie, c’est à dire le niveau d’investissement, on se retrouve confronté à la part des dépenses publiques dans le Produit Intérieur Brut (PIB). On peut caractériser celles-ci en les opposant aux dépenses privées. L’objet de ces dernières est la satisfaction des besoins personnels des individus, alors que l’objet des dépenses publiques est la satisfaction des besoins collectifs de la communauté ou plus exactement, des besoins publics ; besoins de sécurité, d’ordre, d’hygiène, d’éducation et d’équipement… Ils s’imposent par leur nécessité, et, leur satisfaction est dans une très large mesure indépendante du coût financier. D’ailleurs, la nature des satisfactions obtenues, qui se résout souvent par l’utilisation d’un service, se prête difficilement à une évaluation précise de la dépense. On doit se borner à chiffrer la rémunération du personnel ou la dépense de matériel, sans pouvoir obtenir par un véritable calcul économique un gain précis.
A partir de cette constatation, on peut donc considérer toutes dépenses de la part de l’Etat comme un investissement dans l’économie nationale. Ainsi, le salaire d’un fonctionnaire peut être assimilé à de l’investissement public du fait des services qu’il rend à la collectivité (par exemple le salaire d’un professeur est un investissement dans la formation du capital humain), au même titre que les dépenses d’infrastructures et d’équipements. De là, la mise en parallèle de la part des dépenses publiques dans le PIB et de la croissance de celui-ci.
La corrélation entre les deux agrégats est ici clairement évidente ; à ce point évidente que cela nous amène à nous poser la question de la construction de ces indicateurs économiques. En y regardant de plus près, il y a une tautologie dans le fait de considérer les dépenses publiques comme un facteur direct de la croissance. En effet, il est tout à fait logique que les deux courbes suivent approximativement le même chemin d’expansion. Pourquoi ? Simplement par le fait que les recettes de l’Etat qui financent les dépenses sont largement proportionnelles au produit national : plus la richesse s’accroît, et plus l’Etat est amené à développer ses services, transports, etc.… L’Etat a donc, dans l’accroissement des richesses, les moyens de financer une activité plus étendue.
Pour faire le lien entre l’investissement public et la croissance, il nous faut donc chercher d’autres indicateurs. Face à la multitude des champs d’interventions étatiques, il convient de distinguer plusieurs types d’investissements publics. Pour simplifier le problème, et analyser l’impact sur la croissance nous allons prendre en compte les dépenses publiques en équipements productifs d’une part et les équipements collectifs d’autre part :
· Equipements productifs.
On désigne par ce terme toute activité publique qui donne lieu à une production comptabilisée dans la Production Intérieure Brute. On peut classer dans cette catégorie les investissements dans le secteur énergétique (exemple : les compagnies nationales d’électricité et de gaz), les activités publiques du secteur des transports (SNCF), du secteur des communications (Poste et Télécom), le secteur des services (Hôpitaux) et d’autres entreprises nationalisées du secteur concurrentiel. On remarque que cela regroupe des monopoles nationaux.
· Equipements collectifs.
Tel que l’utilise la comptabilité nationale, cette catégorie regroupe tous les équipements qui rendent des services non productifs au sens de « non comptabilisés dans la Production Intérieure Brute ». On trouve dans cette catégorie les infrastructures agricoles (remembrement des terres), les infrastructures de transport, les infrastructures urbaines (transports urbains), les équipements scolaires, culturelles et administratives.
Pour notre étude, on se réfère à la définition classique de l’investissement c’est-à-dire l’acte qui consiste à créer des biens de capital : biens de production ou d’équipement. Au sens strict de l'Etat, sans prendre en compte les entreprises nationalisées, on se trouve limité à la définition des équipements collectifs. Toutefois, le nombre et la nature des variables qui agissent sur ce type d’investissement (il est en effet difficile de quantifier les effets de toutes les externalités que l’investissement collectif engendre), rendent impossible, pour l’instant, la formulation de fonctions d’investissements du type keynésien.
Dans l’Histoire, on trouve plusieurs illustrations d’investissements publics qui ont favorisé la croissance ou amélioré la compétitivité économique du pays qui les a fait. De même, les dépenses d’investissements publics effectuées pendant les périodes de dépression sont susceptibles de relancer l’activité économique. Ainsi, une politique adéquate de dépenses publiques est de nature à régulariser l’accroissement du PIB, car, évitant les chutes d’activités, elle s’oppose aux contractions périodiques du revenu et donc entretient la croissance.
L’exemple le plus célèbre est une des réponses du New Deal face à la crise de 1929 : l’intervention de l’Etat aboutit à la création, le 10 avril 1933, de la fameuse T.V.A. (Tennessee Valley Authority). Le plan prévoyait la construction de sept grands barrages, le développement de la navigation, la lutte contre les inondations, l’irrigation et la production d’électricité. Les premiers travaux furent achevés dès 1942 et on comptait plus de cinquante barrages à la fin des années quatre-vingt. Le trafic dépasse désormais 2,2 milliards de tonne-miles, soit cent fois plus qu’en 1933. La production d’électricité a atteint 95 milliards de kWh en 1988 et le prix de cette énergie, 40% moins cher que dans le reste des Etats-Unis, a permis une véritable transformation de l’économie et, dans les années soixante-dix la consommation moyenne d’énergie par habitant était deux fois et demie plus élevée que la moyenne nationale. Les méthodes agricoles ont été améliorées, et l’électrification des travaux et de la vie domestique est totale ; l’accroissement des transports par voies d’eaux a diminué, de même que les frais, et a favorisé la création d’usines ; la suppression des crues a épargné d’énormes dommages. L’industrialisation a été poursuivie et a permis le développement de centres spécialisés dans les domaines de l’aluminium et des engrais. Le revenu individuel a été multiplié par dix-sept dans la région depuis 1933, alors qu’il n’a fait que décupler dans l’ensemble du pays. La capitale régionale, Knoxville, est devenue non seulement un grand centre industriel mais aussi un important centre commercial entre les voies nord-sud et ouest-est qui traversent les Appalaches. Dans cet exemple, l’investissement public a eu des effets externes positifs considérables pour la croissance de la zone concernée.
Dans le même ordre d’idée, en 1913, suite a l’invention de Graham Bell (le téléphone) et à l’investissement public du Royaume-Uni dans le réseau de communication, la General Post Office comptait 731.000 abonnés, autant que la France et l’Allemagne réunis. Même si le coût fut élevé pour la puissance publique, il allait s’avérer qu’à long terme la Grande-Bretagne s’était dotée d’un système de communication, y compris téléphonique, incomparablement plus performant que celui des autres puissances. La France ne rattrapa son retard qu’après la Seconde Guerre Mondiale avec les investissements massifs de France Télécom qui était encore une société publique. Le perfectionnement du réseau de communication joue forcément sur l’efficacité des entreprises et de l’économie.
Nous venons de voir que les investissements de l’Etat peuvent avoir un effet non négligeable sur la croissance économique d’une région et pour une durée assez longue. La question se pose alors de savoir comment sont arbitrés les choix entre les différents types d’investissements.
Pour illustrer ce problème analysons l’arbitrage du Commissariat au Plan pour l’année 1965 :
Les arbitrages du V° Plan,
|
|
(en milliards de francs de 1965) |
Autorisation de programme |
|
|
Equipement routier |
14,8 |
Equipement autres transports |
4,5 |
Postes et Télécommunications |
10,7 |
Equipement urbain |
2,3 |
Equipement collectif rural |
5,1 |
Equipement social, sanitaire et culturel |
4,65 |
Enseignement et recherche |
25,02 |
|
|
Total |
67,07 |
|
|
Source: Commissariat au Plan, 1965, |
|
L’enseignement et la recherche semblent être privilégiés par rapport au reste des équipements d’infrastructures. Le Commissariat au Plan justifia cet arbitrage selon les termes suivant : […] « les préférences exprimées rejoignaient la préoccupation dominante du V° Plan qui est d’assurer à notre économie, grâce en particulier à une meilleure productivité, les moyens d’affronter la compétition internationale. Or, les investissements précités peuvent y contribuer efficacement en facilitant les échanges et les communications, en créant un climat favorable à l’innovation et en augmentant le nombre et la qualification des travailleurs. Ces considérations ont conduit à rechercher un équilibre satisfaisant entre les exigences de l’éducation, de la culture et de la santé, d’une part, et celles liées à l’aménagement du territoire, d’autre part, tout en accordant une priorité élevée aux dépenses publiques de recherche. »
Les méthodes de choix qui viennent d’être citées se fondent essentiellement sur des considérations de besoins, d’aspiration, des consultations « d’experts régionaux », du Conseil Economique et Social et des personnalités politiques.
On pourrait envisager des arbitrages plus techniques fondés sur la rentabilité collective. Ceci exclu du calcul tous les secteurs non productifs tel que l’enseignement… En effet, le terme rentabilité renvoie à la notion de taux d’actualisation d’un investissement, taux qui ne serait pas forcément identique selon la durée de vie des équipements (on serait moins exigeant avec les investissements à long terme comme les routes).
Cette opinion n’apparaît pas comme clairement applicable. On peut voir dans le tableau les deux groupes d’investissement définis dans la première partie et remarquer également que ce critère ne fait pas apparaître l’impact en matière de croissance. En réalité on peut donc penser que les arbitrages se fondent plus sur des intérêts politiques et sociaux que sur une réelle perspective de croissance à long terme.
Les données statistiques sur les investissements publics étant difficiles d’accès, nous allons ici nous intéresser à deux études pratiques : l’une sur les effets indirects des investissements routiers en France en 1970, et l’autre sur la relation entre dépenses publiques d’infrastructures et la croissance économique aux Etats-Unis en 1990.
Claude CHARMEIL (ingénieur des ponts et chaussées) prend comme point de départ les études préliminaires du V° Plan pour essayer de quantifier les effets des investissements routiers de la part de l’Etat sur la croissance du PIB. Le V° Plan prévoit un investissement en travaux routier de 2 milliards de francs pour la seule année 1970. Pour en examiner les effets, il part de la définition de la rentabilité selon le ministère de l’Equipement.
On prend d’abord en compte les flux en amont qui se divisent en deux catégories :
- Les flux en amont de production sont liés à l’exécution matérielle des travaux routiers (le secteur des travaux publics) ainsi qu’aux matériaux de construction. De proche en proche la répartition s’effectue dans tous les secteurs. Ainsi un investissement de 2 milliards crée une somme de valeur ajoutée de 1910 millions à la condition d’y retirer les importations.
- Les flux amont de revenu : les 1910 millions de francs dégagés précédemment vont se répartir entre les salaires et dividendes (pour 1292 millions), l’épargne des sociétés (pour 246 millions) et en impôt (pour 372 millions). Ces sommes sont remises dans le circuit économique par les agents à court terme et à hauteur de 44%, soit 854 millions. Puis de la même manière, à hauteur de 41% soit 353 millions de francs ; en définitive, le total du flux généré s’élève à 1460 millions.
Le total des flux en amont, d’un montant de 3,3 milliards, doit être interprété comme le volume de demande suscité par l’investissement de départ. On retrouve ici le principe du multiplicateur keynésien.
Puis on prend en compte les flux médians. Les investissements routiers sont avant tout considérés comme des investissements de productivité, ils ont pour conséquence une réduction du temps de parcours, une faible modification des frais de fonctionnement (carburants…) et une baisse du nombre d’accidents car il y a amélioration de la sécurité routière (en 1970, un accident représentait un coût moyen de 26000 FF). Pour tenter d’évaluer les flux médians, on est obligé de se référer aux années antérieures. Ainsi les investissements routiers effectués entre 1960 et 1969 ont généré une économie de 2150 millions en 1970, soit une rentabilité de 27% pour les 7,9 milliards investies durant cette période. Cette somme est constituée par des économies de facteurs de production.
Enfin, il convient d’évaluer les flux d’entraînements, ils sont constitués des flux économiques liés à la proportion du trafic qui n’aurait pas circulé si l’on avait pas fait les investissements en cause. La construction d’autoroutes est un moyen d’incitation économique et est suivie d’une importante induction de trafic. Ainsi les investissements de 1960 à 1969 provoquent une circulation supérieure de 6% en 1970 par rapport à ce qu’elle aurait été en l’absence des travaux. Pour les transports de marchandises, cela implique un chiffre de 144 millions de francs pour les consommations intermédiaires et de 428 millions de francs pour les temps de parcours, sommes représentant des nouveaux flux. Une nouvelle voie de communication peut également rendre rentable une entreprise qui ne l’était pas auparavant pour des raisons liées à l’accessibilité (exemple : l’extraction de minerai). En ce qui concerne les transports de personnes, on peut rajouter que la construction d’une autoroute peut stimuler le tourisme et donc accroître sensiblement l’activité des industries qui y sont liées.
En définitive, la conclusion serait que les investissements routiers, par tous leurs effets, contribueraient à la croissance de la production intérieure à raison de 0,25% par an. Ceci est à mettre en rapport avec le faible taux de 2% que représente les investissements routiers sur les investissements totaux à cette époque. L’impact des investissements routiers est par ailleurs différent selon les secteurs, mais même les branches de l’agriculture et les commerces sont touchés pour respectivement 0,11% et 0,7% respectivement. Ceci est à relativiser par le fait que le choix de l’emplacement du nouvel équipement module le montant du bénéfice retiré.
Flux engendrés par l'investissement routier en 1970
Milliards de Francs |
||
|
|
|
Investissements de départ: |
|
2 |
|
|
|
|
|
|
Flux en Amont: |
Production |
1,91 |
|
Revenu |
1,46 |
|
|
|
Flux Médian: |
|
2,15 |
|
|
|
Flux d'entraînement: |
Marchandises |
0,572 |
|
Personnes |
0,945 |
|
|
|
Total: |
|
7,037 |
Source : Investissement et croissance, C. CHARMEIL, Dunod, Paris
L’étude qui va suivre est basée sur toute une série d’analyses économétriques visant à montrer la corrélation positive existante entre les dépenses publiques d’infrastructures et la croissance économique. La modélisation a été conduite essentiellement par deux personnes : David ASCHAUER (1989) et Alicia MUNNELL (Vice-Présidente et Directeur de recherche à la Banque de Réserve Fédérale de Boston, 1992). L’analyse de cette dernière a été particulièrement étudiée aux Etats-Unis car elle a pris place dans un contexte politique : le gouverneur CLINTON basait en effet sa campagne électorale sur un programme de relance par l’investissement public. Mais quel est le lien entre infrastructures publiques et productivité ?
Tout le monde s’accorde à dire que des investissements publics peuvent développer les capacités de production d’une région. En effet, comme nous l’avons vu dans l’exemple précédent, une route principale bien construite permet une meilleure optimalité du transport. A partir des travaux d’ASCHAUER un grand nombre d’études ont estimé des régressions avec comme variable endogène la production dans une région donnée et comme variable explicative le capital privé, la main d’œuvre et le capital public (en considérant le niveau technologique constant). Considéré le capital public comme un facteur de production dont les services améliorent la productivité du capital et du travail, donne l’équation :
Q = A * F ( K,L,G ) ( 1.1 )
Où Q est la production, A le niveau de technologie, K le stock de capital privé, L la main d’œuvre et G le stock de capital public. Si l’on considère une fonction de production de type Cobb-Douglas cela transforme l’équation (1.1) en la fonction suivante (en logarithme) :
Log Q = Log A + a Log K + b Log L + c Log G
Les coefficients a, b et c indiquent le pourcentage de variation de la production pour un pourcentage donné de variation du facteur de production.
Dans de telles régressions, les résultats ont montré que les niveaux de capital public sont généralement significatifs dans l’explication de la production. Ainsi, selon les calculs de A. MUNNELL, une augmentation de 1% du stock de capital public provoque une augmentation de 0,34% de la production. Pour obtenir plus d’éléments, l’auteur s’est intéressée aux liens existants entre l’investissement public d’infrastructure et l’activité économique au niveau des Etats américains. Il en a résulté que le capital public avait un véritable effet positif sur la production même si l’élasticité de celle-ci était environ deux fois moindre qu’au niveau national. De plus il existe une relation entre le capital public et privé, caractérisée par deux forces opposées. D’un côté le capital public améliore la productivité du capital privé, augmentant son taux de rentabilité et stimulant l’investissement. De l’autre, le capital public se substitue au capital privé provoquant un effet d’éviction de celui-ci ; les résultats ont toutefois montrés que l’investissement public stimulait l’investissement privé. Enfin les conclusions de cette étude économétrique montrent qu’une fois pris en compte tous les autres facteurs qui affectent l’emploi, le capital public a un effet positif sur la croissance de l’emploi.
Ces analyses nous indiquent donc que le capital public a un impact positif sur les principaux agrégats économiques au niveau de l’Etat : production, investissement et croissance de l’emploi. L’élasticité du capital public est ici deux fois moindre qu’au niveau national : 0,15%. Ce résultat tient compte qu’a un niveau plus localisé, les effets externes positifs sont plus faibles : on ne peut pas évaluer tout l’effet d’un investissement d’infrastructure en examinant une zone géographique limitée.
Pour illustrer cet exemple, le tableau suivant indique la valeur estimée de l’élasticité de la production par rapport au niveau de capital public, selon les différents auteurs.
Estimations de l'élasticité de la production par rapport au niveau de capital public et à la zone géographique.
Auteurs |
Niveau |
Spécification |
Elasticité |
|
|
|
|
ASCHAUER(1989) |
national |
cobb-douglas |
0,39 |
HOLZ-EAKIN(1988) |
national |
cobb-douglas |
0,39 |
MUNNELL(1990) |
national |
cobb-douglas |
0,34 |
EISNER(1991) |
états |
cobb-douglas |
0,17 |
MERA(1973) |
régions japonaises |
cobb-douglas |
0,20 |
MUNNELL(1990) |
états |
cobb-douglas |
0,15 |
DUFFY-DENO(1989) |
villes |
cobb-douglas |
0,08 |
Source : Journal of Economic Perspectives, Volume VI n°4, Automne 1992.
Cas 3: Canada
L’exemple apporté par les données statistiques de ces 4 pays est excessivement
clair. Les courbes des deux séries statistiques, à savoir le PIB réel par tête
et l’investissement public en équipement semblent parfaitement corrélées :
chaque pic et chaque creux d’une courbe retrouve son antécédent sur l’autre.
Après cette première observation, évidente, on peut cependant remarquer un
léger décalage d’une ou deux années entre les deux séries. En règle générale,
la série sur le PIB possède une légère avance. Comment expliquer cet état de
fait alors que nous voulons démontrer la relation de cause à effet dans
le sens inverse, comme nous le montrent les deux études économétriques précédentes.
La réponse qui nous apparaît la plus naturelle est celle-ci : les gouvernements
qui se trouvent confrontés à un ralentissement de la croissance économique de
leur pays ont tendances à augmenter leur effort d’investissement alors qu’ils
la relâchent dans les périodes prospères, même si cet investissement est toujours
croissant du fait du surplus budgétaire apporté par la croissance. Cette affirmation
est illustrée par les fluctuations des courbes au cours des deux chocs pétroliers
des années 70. Autre remarque, les courbes d’investissements ont tendance à
chuter après le début des années 90, alors que d’après notre explication elle
devrait faire le contraire. Mais cela aussi peut trouver une explication logique
dans le fait que, à cette période, les contraintes de la dette publique deviennent
très forte, au moins en ce qui concerne les pays européens, qui de plus se sont
engagés dans le pacte de stabilité en vue de la création de la monnaie unique
européenne. Pour confirmer ce jugement, on peut se référer aux Etats africains
avec leurs dépenses en investissement insignifiantes, car totalement sacrifiées
au remboursement de leur gigantesque dette extérieure.
Ce dossier amène au moins une évidence : le lien très étroit qui existe entre l’indicateur phare de la santé économique, le PIB, et l’arme économique préférée des gouvernements des Trente Glorieuses, à savoir la favorisation de l’investissement comme composante de la demande.
Parmi ceux qui proposent une augmentation des investissements publics, certains sont vraiment convaincus de l’effet de ces dépenses additionnelles sur l’activité économique ; d’autres le sont en raison des contrats potentiellement lucratifs qui se présenteront. Le caractère immédiat des implications politiques de cette question exige de la part des économistes, à la fois de ne pas surestimer les résultats préliminaires et de ne pas écarter un ensemble croissant de preuves, ce qui rend difficile l’évaluation de toutes les données vues dans ce dossier.
Après cette constatation pleine de nuances, il ne faut toutefois pas oublier le simple mécanisme du multiplicateur keynésien qui plaide en faveur de tout investissement, quelque soit son origine. C’est dans cette optique que Michel ROCARD, au début des années 90, avait déjà plaidé pour la création d’un fond européen pour la réalisation de grands travaux d’infrastructure. Et c’est encore au nom de cette même logique qu’aujourd’hui on parle de fonds de soutien européen pour éventuellement lutter contre des chocs asymétriques que subirait la zone économique de l’Euro.
· BARRERE Alain « Economie et institutions financières » Tome I et II, Précis Dalloz, Paris 1965.
· CHARMEIL Claude « Investissement et croissance économique », Dunod, Paris 1970.
· LANDAIS Bernard « Leçons de politique budgétaire », De Boeck, Bruxelles 1998.
· MUNNELL Alicia « Infrastructure, investment and economic growth », Journal of Economic Perspectives, Nashville 1992.
· Ouvrage collectif « Economie publique », CNRS, Paris 1968.
· Problèmes Economique, n°2263, 1992 « Quarante années de finance publique en France, Evolution des finances publiques des principaux pays industrialisés dans les années quatre-vingt ».
· Cahiers Français, n°261, « Le budget de l’Etat ».
· Cédérom des statistiques de l’OCDE.
· Penn World Tables.